Xavier Guelfi : Un seul en scène aussi joyeux qu’une ballade italienne !

Dans une forme simple qu’il porte avec adresse, qui célèbre l’humilité et reflète celle de l’auteur, Xavier Guelfi se lance dans un projet “audacieux”, une “aventure incroyable”, une perte de temps pas rentable, une utopie naïve et irréalisable — c’est selon, en fonction de la personne de son entourage avec qui il l’évoque.

Il ne cherche rien de moins qu’à sauver l’humanité, en délivrant, lors de son seul en scène, la clé du bonheur à son public. Son aspiration est aussi ambitieuse, que sa modestie grande, tant il ose prendre à bras-le-corps des questions existentielles — telles que la relativité de la vérité, l’existence de la rédemption pour l’homme coupable, la possibilité de réconcilier ses contradictions —, tout en émettant des hypothèses de réponses mesurées et clairvoyantes. Son absence de prétention le grandit. Armé d’un “optimisme actif” et d’une autodérision infaillible, l’auteur se joue, presque avec candeur et toujours avec bienveillance, de tous ces acteurs qui mettent en scène leur propre misérabilisme, incapables qu’ils sont de concevoir une forme en dehors de leur “petit je” et de sortir d’un apitoiement sur soi, qui fleure la pleurnicherie. Aussi, bien qu’il sourie à la vue du rituel pressé et millimétré du comédien, qui doit se jeter à l’eau — quitte à se noyer — et parvenir à répondre à l’injonction de la réussite et à la productivité efficace, le spectateur se réjouit d’assister à sa métamorphose. 

Plus qu’une ode remâchée au théâtre — qui n’est finalement que l’un de ses instruments —, son seul en scène est une invitation à la joie pure

Grâce aux métaphores éloquentes et révélatrices de son oncle, Xavier passe d’individu désœuvré à éclaireur de conscience joyeux. Imprégné d’une culture populaire forte, allant de “Vivement dimanche” à Daniel Balavoine, en passant par Jean-Pierre Bacri, les tortues Ninja, Aya Nakamura ou encore Instagram, l’auteur fait le pari de s’adresser au plus grand nombre — la voix du succès, la seule d’ailleurs qui lui ouvrira les portes d’un Zénith, lui rappelle son producteur qui supporte mal la résistance que Xavier oppose aux étiquettes et qui le dispense fort heureusement d’avoir à enfermer son spectacle dans une case vide et limitante. Redoublant d’originalité, discrètement friand d’humour noir, raffolant de jeux de mots parfois faciles mais le plus souvent ingénieux, Xavier Guelfi s’approprie les codes du seul en scène et le dépasse, en le dotant d’une densité qui lui manque souvent. Soutenue par la poésie de Victor Hugo, les fables anthropomorphes de La Fontaine, la philosophie lumineuse de Voltaire, l’humour malicieux de Varda, et d’autres, la finesse de sa perception lui permet de se moquer avec douceur, pêle-mêle, du ridicule des discours sécuritaires et xénophobes, de la frénésie meurtrière qui terrasse les hommes, du tragique bilan carbone de l’humanité, ou encore de la petitesse de l’être humain par rapport à l’immensité de l’univers. 

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Plus qu’une ode remâchée au théâtre — qui n’est finalement que l’un de ses instruments —, son seul en scène est une invitation à la joie pure, celle qui choisit de nourrir une lucidité pacifique et de cultiver un amour profond pour son voisin, autant que pour son propre jardin.

  • Brasser de l’air et s’envoler, écrit et mis en scène par Xavier Guelfi, au Théâtre de la Flèche.

Crédit photo : © Christophe Raynaud Delage


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