« Visions chamaniques » : entre rêve et réalité 

Faire bouillir des bouts d’écorce, se laisser porter par les chants du chaman et siroter un breuvage aux effets notables. Spirituelles ou thérapeutiques, les manières de consommer l’ayahuasca sont multiples. De la tradition ancestrale, à l’expérimentation scientifique en passant par le tourisme chamanique, l’exposition « Visions chamaniques » du musée du Quai Branly revient sur l’histoire et les rouages de cette substance hallucinogène.

Chonon Bensho [née en 1992], Moatian jonibo, 2022. Broderie sur tissu, 165 × 132 cm. New York, The Shipibo-Conibo Center et Buenos Aires, W-Galería. Courtesy de l’artiste / © The Shipibo-Conibo Center / © W-Galería 

Que savons-nous réellement de l’ayahuasca ? Si cette dernière est victime d’un tourisme chamanique contemporain, sa consommation remonte pourtant au XVIᵉ siècle. Après avoir passé 18 mois en Amazonie, David Dupuis, commissaire de l’exposition et chercheur, propose, au-delà d’une exploration de cette substance, une véritable découverte plastique. Textile, poterie, sculpture, compositions de perles…
Que savons-nous de cette culture chamanique ? Jusqu’où pousser l’expérimentation dans la création artistique ? En organisant l’exposition en trois sections, David Dupuis nous donne à voir trois échelles géographiques culturelles qui se rencontrent. De l’art de la céramique au Pérou à la globalisation de l’ayahuasca en Amazonie en passant par la peinture visionnaire de Martina Hoffmann, le Quai Branly nous plonge dans un univers aussi mystique qu’énigmatique. Avec un parcours en trois temps et une scénographie tamisée, « Visions chamaniques » nous fait voyager dans des contrées peu explorées dans les musées. 

L’art du peuple shipibo-konibo, un acte de résistance 

Sara Flores [née en 1950], Untitled (Tanan Kené 2), 2021. Teintures végétales sur toile de coton sauvage, 134 x 142 cm. New York, The Shipibo-Conibo Center et Londres, White Cube Gallery. Courtesy de l’artiste © The Shipibo-Conibo Center

« Tout ce que je peins apparaît d’abord en moi » nous dit Sarah Flores, artiste contemporaine reconnue pour sa technique ancestrale. L’art des dessins Kené est un véritable « patrimoine culturel » au Pérou. Ils constituent un élément fondamental de la culture des shipibokonibo, exprimant leur symbolisme, leur esthétique, leur tradition et leurs racines. On apprécie déambuler dans les salles et découvrir l’univers du peuple shipibo-konibo, basé dans la ville amazonienne de Pucallpa, qui au-delà de son graphisme dentelé constitue un acte de résistance pour Sarah Flores. 

Avec un répertoire aux formes répétitives et graphiques, l’artiste questionne la patrimonialisation de son environnement. Une femme qui lutte face aux problématiques territoriales et environnementales que rencontre sa communauté. 

La peinture psychédélique : vers un art visionnaire contemporain

Visuel : Pablo Amaringo [1938 – 2009] Cosmología amazónica [Cosmologie amazonienne], 1987. Gouache sur toile Collection privée, 90 x 158 cm. Collection L. E. Luna. Courtesy de l’artiste. Photo : L. E. Luna

La peinture visionnaire contemporaine émerge dans les 1980 avec pour figure tutélaire, le peintre Pablo Amaringo (1938 – 2009). L’occasion d’admirer Cosmología amazónica, peinture commandée par Luis Eduardo Luna en 1987. Cette toile, devenue l’un des chefs-d’œuvre du peintre, illustre précisément la vision d’Amaringo. Dans une lettre à son commanditaire, il se confie : « C’est là que j’ai pris conscience des apparitions visionnaires provoquées par cette plante aux effets extraordinaires (…). ». L’art visionnaire parfois assimilé à l’art brut a pour but de matérialiser un espace de conscience élargi chez les artistes. 

Continuez votre visite pour découvrir le travail de Martina Hoffmann : « Pour les artistes et tous les créateurs, il offre un réservoir infini d’inspiration. ». Ayant étudié la sculpture et la peinture, Hoffmann est une figure centrale de l’art visionnaire contemporain. Elle développe une œuvre où se côtoient réalisme et fantastique depuis les années 1980. Ses œuvres ? Des visions psychédéliques inspirées par des états de conscience élargis. A l’instar d’une représentation graphique, l’artiste questionne les usages sociaux de ces images créées sous substance hallucinogène. 

Visuel : Martina Hoffmann [née en 1957] Universal Mother [Mère universelle], 2015. Huile sur toile, 67 x 86 cm. Collection Martina Hoffmann. © Courtesy de l’artiste

Une rencontre avec le chaman du Quai Branly

Ce qui fait la spécificité de l’exposition ? Une immersion totale en Amazonie péruvienne. Plongez dans une forêt mystérieuse et laissez-vous guider par le chaman du Quai Branly. « Comme tout le monde, avec l’ayahuasca, j’ai perdu quelques certitudes. Ce type d’expérience contraint à prendre conscience qu’on vit dans un monde plus complexe qu’on ne le pensait » nous dit David Dupuis. C’est dans cela que réside tout l’enjeu de cette proposition, qui fait écho à  « Sous influences », présentée par la Maison Rouge en 201. 

Une exposition qui nous questionne sur notre environnement et nous projette grâce à une expérience de réalité virtuelle, Ayahuasca (Kosmic Journey), d’une vingtaine minutes pensée par le cinéaste français Jan Kounen. Mais, gare aux insectes et autres acariens ! Il s’agit d’un vrai trip.  

Visions chamaniques. Arts de l’Ayahuasca en Amazonie péruvienne 


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