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Tina Modotti : l’empathie par les yeux

La photographe a posé un regard de compassion et de tendresse envers les petites gens du peuple mexicain dans les années 1920. Une première grande rétrospective en France lui rend hommage au Jeu de Paume à Paris.

D’emblée, nous sommes plongés dans la considération que Tina Modotti nourrie pour les sujets qu’elle photographie. Alors qu’elle développe son travail aux côtés du célèbre photographe Edward Weston, elle s’émancipe rapidement de sa ligne très formelle – et même parfois froide – pour proposer des portraits emplis d’humanité et de chaleur. Elle prend par exemple une femme avec son nourrisson et la montre en train de lui donner le sein, pleine d’une belle et immédiate simplicité.

On pense à Dorothea Lange qui a photographié les exclus, les marginaux et les victimes de la grande pauvreté.

Pareils sont les portraits qu’elle fait des travailleuses et travailleurs de son pays, à les représenter en plein labeur, une jarre d’eau sur la tête ou de grands chapeaux pour les protéger du soleil mexicain. On pense à Dorothea Lange qui a photographié les exclus, les marginaux et les victimes de la grande pauvreté aux Etats-Unis dans les années 1930. Mais il y a chez Tina Modotti, dix ans avant, une force de vie qui transparaît, comme la volonté de mettre particulièrement en valeur ce qu’apporte un travail à l’individu qui le fait, sa force nourricière. Elle va même, sur certaines photographies, monter de toute pièce une allégorie du travail, mettant en scène la faucille du paysan.

Culture populaire

Une attention à l’autre émane de toutes les images, conférant au style de Tina Modotti quelque chose de profondément humain, de fraternel vis-à-vis des modèles photographiés. Ainsi fait-elle le portrait de plusieurs personnalités de son entourage, en particulier le peintre Diego Rivera, célèbre amant de l’artiste Frida Kahlo et que Tina Modotti a bien connu. Elle photographie ses fresques en autant de tableaux vibrants et forts. À ce titre, Tina Modotti s’intéresse aussi vivement à la culture populaire du Mexique, prenant ici en photographie des masques de carnaval ou là des marionnettes agitées par des mains anguleuses. Elle fait d’ailleurs parfois de gros plans de mains de travailleurs, révélant l’effort quotidien et l’usure, pointant le sacrifice d’une vie dans la grande cohorte du monde du marché.

Esthétique de la résistance : de l’art de l’insurrection

Glorification

Car l’œuvre de Tina Modotti est éminemment politique, chargée d’une dénonciation des conditions sociales et pleine d’une revendication sous-jacente. En témoignent son engagement dans le parti communiste mexicain, mais aussi certaines images qui, sans doute influencées par le constructivisme russe, déploient une glorification sensible de l’ouvrier et peut-être même une critique latente du monde industriel et productiviste. Il y a aussi cette photographie célèbre et éloquente d’une femme qui tient un large drapeau, le regard fier et lancé vers l’horizon. L’icône d’une révolution en marche comme le sous-entend le titre de l’exposition du Jeu de Paume. Ainsi, l’œuvre de Tina Modotti a su faire résonner le combat de celles et ceux qui se sont engagés pour des lendemains meilleurs et donner une image à la fois précise et précieuse d’un certain visage de l’humanité.

  • Tina Modotti, L’œil de la révolution, du 13 février au 12 mai 2024 au Jeu de Paume à Paris
  • Tina Modotti, Woman with flag, The Museum of Modern Art, New York, 1927

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