HIBA : « On ne peut pas décorréler la phrase de la mélodie et de la prosodie.»

Par l’intermédiaire de la poétesse Stéphanie Vovor, j’ai eu l’occasion de croiser la route d’HIBA, un groupe de rap formé par Isma et Amor, deux frères originaires de Strasbourg, qui composent des E.P intenses et colorés. On est tout de suite saisi par le rythme entraînant de l’instru, par la douceur et la violence de leur flow et par la puissance évocatoire de leurs mots.  Cet entretien est l’occasion de les interroger sur leur façon d’écrire et sur leur manière de percevoir le rap.  

HIBA

Pourriez-vous nous raconter la naissance de votre groupe ainsi que les origines du nom HIBA ?

Isma : On est deux frères. Le nom de notre groupe est simplement une version raccourcie de notre nom, et puis ce sont deux syllabes qui sont très efficaces et qui fonctionnent bien d’un point de vue phonétique.

Amor : L’idée du groupe a démarré en 2019 grâce à Élias, un pote d’Isma qui nous a motivés à construire l’identité du groupe. Au départ, j’étais très gêné avec cette forme de visibilité. J’écrivais les textes et je laissais Isma les interpréter. Ça a été un processus long pour moi d’accepter de montrer mon visage et d’assumer de faire de la musique. On a lancé notre premier projet : « Multijuice » en 2019, et on l’a supprimé depuis. C’est quelque chose qui est intéressant avec le streaming : ce n’est pas le même droit qui s’applique que dans le cadre d’un objet physique. Notre œuvre est en mouvement et elle s’actualise en permanence. Il faudrait d’ailleurs que davantage de personnes prennent conscience du changement de modèle provoqué par le streaming. Le droit du consommateur est éclaté puisque le streaming n’accorde qu’un droit de représentation. On a ensuite continué à sortir de nombreux EP jusqu’à cette collab avec Lyes Kabi, sur l’EP « Presque heureux » sorti en avril 2024.

Votre musique est plutôt douce et rythmée. Elle est volontiers mélodique, tantôt ensoleillée, tantôt mélancolique, et possède des accents pops. Dans votre EP : « Ce que la Lune doit au Soleil », on trouve fréquemment des accords de guitares, un rythme lent et des refrains entraînants. Paradoxalement, cette douceur est contrebalancée par des textes parfois plus agressifs : « J’vais facetatoo mon blase, si t’ouvres ta gueule » (« Le Palier »)/ : « Tu pourras voir mon regard, imbibé de sang / C’est ton front sur mon miroir » (« OG sa mère »). Ce contraste est-il voulu ?

Hiba : « Le Palier »


Amor : En fait, ce contraste arrive mais il n’est pas vraiment voulu. On ne veut pas faire forcément d’antagonisme entre la musique et les paroles. Ce sont ces mots qui sortent. Ce qui est intéressant, c’est que la violence est manifeste lorsque les mots sont cités de cette manière mais lorsqu’ils sont chantés, ça change tout ! On ne peut pas décorréler la phrase de la mélodie et de la prosodie. La musique nous guide et elle est toujours première. C’est à partir d’elle qu’on écrit.

Justement, dans votre musique, on sent des sonorités funks et des influences variées. Par exemple, on entend souvent de la guitare. C’est assez différent de l’image qu’on pourrait se faire du rap. Comment vous rattachez votre pratique à celle du rap ?

Isma : Je crois qu’on peut définir notre pratique musicale comme du rap surtout en termes d’écriture. Et je ne parle pas que d’écriture d’un point de vue « lyrics », mais aussi la manière de concevoir les schémas rythmiques, d’agencer nos mélodies et nos structures de rimes. Ça passe aussi par le vocabulaire qu’on emploie, et par l’usage de certains mots. Notre écriture est rap, et je crois qu’on peut aussi dire que l’énergie qu’on déploie sur scène appartient au rap.

On fait aussi des choix au niveau de la prod qui sont spécifiques au rap. Par exemple, l’utilisation de la 808, c’est-à-dire le son de bass typique, mais aussi l’usage de certains snares ou certains kicks qu’on va retrouver nos chansons.  L’auditeur rap un peu érudit, celui qui maîtrise un peu les codes du rap, va comprendre directement qu’on vient de cet univers.

Amor : Pour moi c’est juste une question de geste. On a écouté beaucoup de rappeurs quand on était jeunes, et tous les gestes artistiques qu’on connaît ce sont des gestes de rappeurs. De même, les gens qui nous inspirent aujourd’hui dans la façon de produire de la musique sont des rappeurs. On peut écouter d’autres artistes qu’on admire beaucoup, mais on ne va pas s’identifier à eux.

Vous parliez de la manière dont vous avez grandi, bercés par le rap. Quelles ont été vos influences ? Et plus généralement quelles sont les figures qui ont été importantes pour vous ?  

Amor : Un artiste que je citerai toujours, c’est Makala, un rappeur suisse. Il a un rapport au son extraordinaire avec des enjeux rythmiques très variés et où tu sens que le geste est rap.

Isma : Si je réfléchis, de manière chronologique aux baffes sonores que je me suis prises petit, je commencerai par un groupe strasbourgeois qui s’appelle N.A.P – le groupe d’Abd al Malik. C’est une véritable gifle. C’est le premier truc où je regarde et je comprends les textes. En plus, il y a des références à Strasbourg.  La deuxième baffe, c’est Roff, La Fouine et Sexion d’Assaut. Mais surtout il y a Booba qui débarque.

Amor : Clairement, il y a le spectre de Booba qui hante le rap. J’ai un respect immense pour son écriture. La première écoute de Ouest Side, c’est sensoriel. Plus je grandis, plus je suis frappé par la puissance de ses textes. C’est tellement proche de l’oralité, il y a une forme d’efficacité du mot mais surtout c’est terriblement ingénieux.

Isma : Il y a quelque chose de très naturel et très fluide. Ça se voit qu’il n’intellectualise pas ce qu’il fait mais pourtant c’est fou d’un point de vue stylistique. Mais pour en revenir à la chronologie, en 2010, je me prends une claque en écoutant l’école parisienne. C’est l’époque de Mister You, de Sexion d’Assaut, de Lacrim. Ça rappe tellement bien, c’est vivant, et il se passe des choses.

Amor : Un autre qui m’a énormément marqué, c’est Ademo de PNL. C’est un mec incroyable. Il a un truc moins juvénile que Booba, et plus mélancolique. Booba joue en permanence avec le quatrième mur tandis que PNL te font rentrer dans leur intimité la plus profonde. Tu as l’impression qu’ils te font un câlin !

Isma : Dans la suite de l’école parisienne, tu as L’Entourage et 1995 qui ont envahi la scène rap. L’héritage de cette école est assez controversé parmi les anciens. Pourtant, il y a plein de gens qui sont rentrés dans le rap par cette porte.

Amor : Quand j’ai réussi à sortir de mon rapport à 1995 et à L’Entourage, ça m’a fait un bien fou. Il y a eu des portes pour s’en sortir – dont Jul. C’est un érudit du rap mais qui a compris que l’écriture c’était pas une histoire de culture et que c’etait pas la peine d’avoir le style le plus référencé. Je sors d’une période où l’influence de L’entourage m’a vraiment pesé. Les images de Nekfeu entouré d’une pile de livres me semble tellement clichés. Quand j’en suis sorti, j’ai l’impression que ça a libéré ma manière d’écrire des textes. Je me sens redevable envers eux car ils m’ont nourri pour un temps et m’ont donné envie d’écrire mais je n’ai pas envie de les inscrire dans mon héritage parce que je n’aime pas la philosophie de leur écriture. Leur influence a souvent été néfaste pour de jeunes artistes. 

Isma : Pour moi, il y a eu un problème avec L’Entourage, c’est qu’il y a des gens qui n’écoutaient pas de rap et pour lesquels L’Entourage est devenu la référence ultime. Ca n’a pas été le cas de mon côté, et je connais bien l’histoire du rap, et j’ai un rapport plus libre avec cette école. Mais il y a eu aussi des enjeux de classe. L’audience de L’entourage et de 1995, c’est une classe moyenne voire supérieure, souvent blanche – qui d’un coup s’est mis à s’intéresser au rap et à donner des leçons de rap à des anciens. 

Booba Ouest Side : « Couleur Ébène »

Amor : Et c’est notamment grâce à toi que j’ai réussi à me débarrasser de cette influence mais la première fois que j’ai écouté PNL j’ai mal réagi parce que j’ai eu peur de retrouver L’Entourage. Ils ont failli niquer mon rapport au rap. Mais pour en revenir à nos influences, j’ai été très marqué par le rap américain. Young Thug c’est le Jimmy Hendrix de la voix. C’est l’un des plus grands interprètes à mon sens.

Fif Tobossi : « Je ne sais pas pourquoi ça étonne mais les rappeurs lisent énormément. » 

« Chief Keef » évoque les inégalités sociales de manière extrêmement noire, via cette parole du mec qui est du côté des dominés mais s’exprime de façon très conscientisée, presque cynique et rappelle toute une imagerie littéraire et/ ou de culture pop liée à l’ascension sociale masculine. Est-ce important pour vous de parler de trajectoire sociale ? Et plus généralement, est-ce que vous voyez une forme d’engagement dans votre pratique artistique ? 

Cette inscription dans une tradition orale ne veut pas dire qu’on ne s’entraîne pas à écrire.

Isma : C’est un domaine qui nous tient particulièrement à coeur, et c’est peut-être pour ça qu’on est souvent victime du syndrome de l’imposteur. On vient d’un milieu très engagé, et cette question de l’engagement est si importante qu’au début on ne voulait pas se lancer là-dedans parce qu’on avait peur de mal le faire, de n’être pas assez légitimes. De même, la musique qui nous a inspirés n’était pas une musique militante et ne traitait pas les questions sociales en priorité.  Pourtant, petit à petit, on évolue de plus en plus et on s’autorise à aborder ce type questions même si la musique reste toujours première.

Hiba : « Chief Keef » 

Amor : Les concerts c’est aussi une manière d’aborder plus facilement cette question. Dans le cadre d’un live, tout peut arriver. Le propos politique est plus simple à cadrer. Tu as 45 minutes, et c’est une tribune. Tu pourrais arriver et dire : « Désolé, aujourd’hui je n’ai pas envie de chanter mais j’ai envie de parler. » Les gens vont adorer ou détester mais la parole est bien plus libre. La musique enregistrée est une capture de moment et il faut réussir à préserver une forme d’intuition et ne pas l’intellectualiser à outrance.

Récemment, on a écrit un morceau qui s’appelle « Mon prénom » et qui traite des prénoms non francophones. Moi je m’appelle Amor – et tout le monde projette l’amour dans ce prénom – mais ça n’a rien à voir, ça vient de l’arabe et ça veut dire la vie. Et je n’ai pas su prononcer correctement mon propre prénom jusqu’à ce que je parte en Tunisie. 

On parle de ça avec Lyes qui a reçu au départ un prénom européen, Enzo. Il y a une forme de pression autour du choix du prénom et certains parents ont donné des prénoms francophones à leur enfants pour des questions d’intégration mais cela peut provoquer un clivage identitaire.  Et les paroles de ce morceau ont surgi de manière quasiment naturelle. On tient à cette forme de spontanéité. Néanmoins, cette inscription dans une tradition orale ne veut pas dire qu’on ne s’entraine pas à écrire. Paradoxalement, il faut beaucoup de travail pour arriver à cette forme de spontanéité. C’est la discipline et la rigueur qui nous permettent de faire jaillir ces formes de fulgurances. 

L’inspiration, c’est un produit du quotidien. Tout ce que tu vois peut nourrir ta musique.

Comment vous construisez votre rapport à l’écriture et à l’inspiration ?

Isma : On en parlait justement avec Stéphanie Vovor. L’inspiration, c’est un produit du quotidien. Tout ce que tu vois peut nourrir ta musique. C’est un travail qu’on effectue en amont. Tout ce qui m’arrive peut entrer dans ma musique. C’est une attention particulière à l’existence.

Amor : Dans La Plus secrète mémoire des hommes de Mbougar Sarr, il y a un passage où une femme dit que les jeunes poètes sont très mauvais au lit car ils se voient faire l’amour, ce qui crée un décalage. Il y a un peu de ça. Quand tu regardes le monde avec des yeux d’écrivain ça change ton rapport à l’existence. C’est un peu une déformation professionnelle. 

Isma : Et tout ce travail de préparation est nécessaire parce que lorsque t’arrives au moment où tu dois enregistrer, tu ne dois plus penser mais être dans le flux. 

Vous n’hésitez pas à mettre en scène votre vulnérabilité, et une forme de mélancolie notamment dans «Inondation 2012 ». D’une manière générale, c’est plutôt rare de mettre en avant cette forme de vulnérabilité qui est justement à rebours des clichés de l’homme viril. Pourquoi ce choix ? 

Pour nous, c’est aussi une position politique d’écrire sur ce privilège qu’on a eu. 

Isma : Quand on a fait « Inondation 2012 », on voulait le sortir beaucoup plus tard. Dans ce morceau, on parle de notre père, de la vieillesse, du rapport aux arbres et au jardin. Cette chanson parle d’une inondation qui a détruit son jardin mais aussi de la solitude. C’était une chanson difficile parce qu’il faut être à l’aise avec sa musique pour être vulnérable. Certains artistes n’arrivent jamais à être à l’aise. En 2024, ça reste plus facile d’être vulnérable pour un homme car c’est un peu plus médiatisé mais on a eu la chance d’avoir une éducation sentimentale qui nous a permis d’être plus à l’aise avec nos émotions. 

Amor : Nos parents nous ont élevés dans un climat bienveillant où l’écoute et l’attention à l’autre ont été importantes. Ils nous ont toujours encouragés dans notre pratique artistique. On a eu la chance de bénéficier de ce privilège-là, et c’était important pour nous d’en témoigner. Une manière de rendre hommage à notre père, ça été aussi d’inscrire dans ce morceau la formule : « À l’ombre sacrée de ces arbres » qui est le nom d’un documentaire qu’il a réalisé. Ça permet de construire une filiation. 

Isma : Pour nous, c’est aussi une position politique d’écrire sur ce privilège qu’on a eu. 

Amor : Il faut être sincère dans son geste et dans la description de sa position. Il ne faut pas trop romancer la pauvreté mais toujours parler à partir de son point de vue. On a eu l’occasion de voir ce que c’est de militer vraiment, et on a eu très peur de prendre une place d’imposteur. Ce n’est pas parce que tu fais une chanson sur des enjeux sociaux que tu es un artiste engagé. Progressivement, on se sent plus légitime mais c’est loin d’être évident. 

Dans vos chansons, vous employez aussi bien des mots rares (stigmates, lulibérine) mais aussi des mots d’argots (bigots, mif etc.) et pas mal d’anglicismes. Quel est votre univers lexical idéal ?

Isma : Notre vocabulaire est double. Il est à la fois lié à tous les gens qu’on a frequentés mais il est aussi lié à notre parcours universitaire. Le spectre est forcément très large. On retrouve aussi ça chez MC Solar et Al Kapote qui naviguent entre des mots d’argots et un jargon ultra spécialisé.  

Amor : Notre vocabulaire est déterminé par nos fréquentations. il ne nous viendrait pas à l’esprit de chercher des mots dans le dictionnaire. 

Est-ce que vous avez des modèles littéraires ? Dans « Infernal », vous citez Proust : « Les problèmes de cœur, ça fait aussi mal qu’une carie Non, ce n’est pas du Proust, mais c’est mieux que le blanc de mes canines. » Est-ce que c’est important d’avoir des références littéraires ? Ou des écrivains qui vous inspirent ?

J’ai toujours été un bandeur de littérature. Mon rêve – ou plutôt mon fantasme – c’est d’être écrivain

Amor : C’est marrant parce que cette phrase citée vient de Jul : « Les problèmes de cœur ça fait aussi mal qu’une carie. » On a aucun problème avec le vol de citations, au contraire ça enrichit notre pratique. 

Isma : J’ai toujours été marqué par Yasmina Khadra. 

Amor : En vrai, j’aimerais trop citer des influences littéraires. J’ai toujours été un bandeur de littérature. Mon rêve – ou plutôt mon fantasme – c’est d’être écrivain, mais je lis assez peu. J’ai un rapport un peu pirate à la littérature. Je me saisis de tout ce qui me passe par la main. Quand j’ai une phrase qui me marque, je la note dans mon carnet.  Par exemple, en lisant Oublier Camus d’Olivier Gloag, j’ai noté la formule : « Plaire à tout le monde comme Camus. » Ce carnet reflète un peu mes goûts personnels parce qu’on retrouve beaucoup de citations de Simone de Beauvoir. 

Dans certains morceaux, vous parlez aussi de sujets très contemporains. Il y a cette phrase qui revient parfois : « J’crois qu’on a raté l’amour. » Dans « L’Aube » et « L’adresse », « Lulibérine»,  vous évoquez des histoires qui finissent mal. Il est question de tromperies, de mensonges et de dissimulation. Pensez-vous qu’aujourd’hui, c’est plus compliqué de vivre ce genre d’histoires ?

Isma : Les applications de rencontre créent beaucoup de solitude et entraînent une forme de marchandisation de l’amour mais pourtant elles offrent des espaces d’échanges inédits. Je travaille dans un bar et je vois beaucoup de gens seuls, déboussolés. La recherche de l’amour est beaucoup moins codifiée qu’avant, et le libéralisme a changé notre rapport à l’amour. Cela crée un clivage entre des gens qui s’en sortent très bien et d’autres qui sont délaissés.

Amor : On corrèle trop souvent amour et sexualité. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on doit pouvoir se permettre de décloisonner les choses. Je pourrais m’imaginer avoir un enfant avec quelqu’un que je n’aime pas vraiment mais qui partage la même vision de l’éducation que moi. J’aimerais beaucoup élever mes enfants avec mes amis. Ça vient aussi de souvenirs d’enfance. Notre maison était un espace ouvert, un espace d’accueil et j’ai grandi au milieu d’amis de mes parents. Ça a conditionné mon rapport aux autres et ça m’a permis de m’extraire des carcans. Pourtant, d’un point de vue fonctionnel, le couple est la forme la plus adaptée au monde tel qu’il est. Je crois aussi que ça fait des années qu’on essaie de déconstruire le couple, et je ne crois pas qu’on réinvente l’amour.

  • Hiba, EP « 14 Lunaire » ( 2020 ), « Ce que la lune doit au soleil » ( 2021), « Presque heureux » (2024), disponibles sur toutes les plateformes.

Pour retrouver l’intégralité de notre dossier sur le rap :

https://zone-critique.com/critiques/le-rap-est-il-lavenir-de-la-poesie

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