Colum McCann avec Diane Foley  :  Un quatre mains bouleversant

Quatre ans après le poignant Apeirogon, paru en 2020 aux Editions Belfond, l’écrivain irlandais, Colum McCann surprend avec sa première œuvre non fictionnelle American mother. Ancien journaliste, l’auteur retrace le parcours bouleversant de Diane Foley, mère du journaliste américain James Foley, décapité en 2014 par l’État islamique. À quatre mains, ils ouvrent les portes d’une réflexion autour de la résilience, de l’engagement et du pardon. 

« La souffrance intérieure ne peut pas être décrite, sinon par sa douleur même. J’étais brisée, déchiquetée. Je n’avais jamais ressenti de tel, ni de près ni de loin. Rien. Le choc atomisant du pouvoir de la haine. » Diane Foley.

Si cette mère évoque le « pouvoir de la haine », elle incarne aujourd’hui le symbole d’un pardon inattendu.

Pour comprendre le parcours de cette femme, il faut revenir presque douze ans en arrière. En 2012, son fils, James Foley, journaliste indépendant, est capturé en Syrie par des rebelles qui assiégeaient une base aérienne militaire, sur la route de Taftanaz. Dans un contexte de tensions internationales, James Foley passera près de deux ans enfermé. Montée des groupes islamistes dans la région, prises d’otage en guise de pression sur les pays Occidentaux… James Foley est finalement exécuté le 18 août 2014, deux ans après son enlèvement, probablement près de Raqqa en Syrie. 

Un outil de compréhension 

Si ce roman marque un tournant dans l’histoire de la libération des otages internationaux, Colum McCann nous offre un récit journalistique rare. C’est en octobre 2021, que Diane Foley décide de rencontrer Alexanda Kotey à Washington DC. L’accusé ? Un britannique converti à l’islam ayant plaidé coupable dans l’assassinat de James Foley. Un premier chapitre raconté de la main de McCann qui dresse le portrait d’une mère empathique et bienveillante envers le bourreau de son fils.

Mais, comment regarder dans les yeux cet homme ? Comment pardonner à l’assassin de son fils ?

Seule Diane Foley le sait en faisant le choix du pardon. Un acte qui déconcerte Alexanda, comme elle l’appelle. Touchée par les photos de ses filles, elle choisit de lui tendre la main. 

Passé le point de vue de Colum McCann c’est au tour de cette fameuse American mother de raconter son histoire sous la plume de l’écrivain. Une seconde partie qui plonge le lecteur dans le quotidien de cette famille américaine chrétienne et patriote. C’est avec émotion que nous en prenons connaissance. De sa naissance dans le New Hampshire à son exécution en Syrie en passant par sa remise de diplôme, ses enquêtes et reportages, Diane Foley retrace le parcours bouleversant de son fils. 

Le destin tragique des journalistes freelance 

« Je garde en moi toute l’Amérique nécessaire. Mais une autre part de moi-même – celle qui devait affronter la chaise vide à notre table – ne comprendra jamais l’abandon délibéré de nos otages. » American Mother questionne et apporte une réflexion globale sur le métier de journaliste. À l’époque, Barack Obama, le président des États-Unis d’Amérique, s’était opposé à la négociation avec Daech, entraînant une vague de solidarité à cette famille. 

Malgré un patriotisme omniprésent, Diane Foley ne s’empêche pas de dresser un portrait critique de l’ancien président. Puis, la décapitation de James Foley. Cet évènement tragique marque un tournant dans l’histoire des otages américains. Le début d’une mobilisation de taille pour attirer l’attention sur la condition des otages avec la fondation James W.Foley, créée par Diane Foley en 2012. 

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L’amour inconditionnel d’une mère pour son enfan

Comment ne pas partager l’impuissance de cette mère ? Comment faire son deuil lorsque l’exécution de votre fils devient virale sur internet ? La résilience. C’est là que réside l’intégralité du propos du livre de Colum McCann. Ou, comment une mère demande justice au tragique destin de son enfant. « Quel mot pour exprimer une telle perte ? Nous avons les orphelins et les orphelines, les veufs et les veuves, mais nous n’avons pas de terme pour désigner des parents qui perdent leur propre enfant, peut-être parce que cela paraît quasiment inconcevable. » Alors comment envisager le pardon ? Là, est tout le propos de ce roman. Brillant. 

  • Colum McCann & Diane Foley, American Mother, Belfond, 2024

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