« Politiquement, je circule. »

Politiquement, je circule.

Enfant, j’aimais les hommes de droite. La roublardise de Sarkozy me fascinait. En l’entendant repousser les assauts des journalistes, déployer ses mains indignées, et rassurer la nation quant à son intégrité, je croyais ce petit homme. Dans la cour de récréation, des matchs de football à coloration politique s’organisaient : l’équipe Sarkozy contre l’équipe d’Hollande. J’étais le capitaine des réacs’.

Plus tard, après la débâcle de la primaire des Républicains, en 2017, je fus las des échecs de mon héros. Alors, j’ai changé de pourri : Fillon ! Pendant quelques mois, j’ai soutenu sa révolte contre la République des juges et la meute médiatique. Je fulminais contre le parquet national financier, j’invoquais la présomption d’innocence.

Un vrai petit chien de garde !

Je pense que je n’ai jamais conçu, en tant que jeune adolescent, la possibilité du mensonge. Mon professeur d’histoire, spécialiste de la psychologie des peuples, qualifiait de slave ma grande naïveté. J’adhérais en effet aux promesses sans lendemain, aux serments de pacotille, à toutes les poudres de perlimpinpin.

En intégrant l’école qui devait faire de moi un professeur de littérature, je me suis encore trahi. J’ai laissé tomber ma défroque parisienne – mon petit péché UMP – pour d’autres paysages. Soucieux de rompre radicalement avec la canaille que j’avais été, j’ai rejoint une section des jeunesses communistes. Je feuilletais Marx, portais des casquettes françaises et guerroyais férocement dans des débats sans fins : réforme sociale ou révolution ? Défiant les forces de police lors des manifestations, bredouillant à pleins poumons des chants que je ne connaissais pas, j’étais fier de ma révolte. 

Le gaz lacrymogène tempéra vite mes envies de Grand Soir.

Si peu habitué à ce monde de luttes, je devais parfois improviser. Interrogé par mes camarades sur mon salaire et mes origines sociales, je mettais en avant ma triple nationalité, et, surtout, mon ascendance soviétique. Krastev, ça sent l’Est à plein nez.

À Paris, ceux qui connaissaient mes anciennes allégeances rirent de ces démarches. J’étais une girouette, c’était là mon safari social. Je citais Rousseau : « Je préfère être un homme de paradoxes qu’un homme de préjugés… » Dans ma ville d’adoption, Lyon, on s’étonnait de mes mœurs bourgeoises, et, bien vite, ma cohérence fut mise à rude épreuve. « D’où tu parles, toi ? » 

En somme, on ne me prit nulle part au sérieux.

Il faut dire que je m’accroche difficilement aux idées. Ou que les idées s’accrochent difficilement à moi. Elles passent, puis tombent. Désormais conscient de ma propre versatilité, je ne m’expose plus. Je suis réserve, nuance, contrepoint critique.

Je m’ennuie bien, il faut le dire, dans ces gouffres centristes. C’est là le prix de mon inconstance. On veut trop être quelqu’un.


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