Clémentine Aupire

Le marteau-piqueur

En temps normal, l’acte sexuel est une affaire de symbiose. Deux corps se rencontrent et s’apprivoisent avec respect et plus ou moins d’amour. Mais c’est sans compter sur les élans d’un partenaire obsédé par la performance qui confond sa chambre avec un décor de film porno. Ici, l’adepte du hard sex se nomme le « marteau-piqueur ». Vous l’avez hélas peut-être déjà croisé. Vivement la coupure de courant ou la panne-moteur ! Un texte drolatique signé Clémentine Aupire. 

Écrit avec Pierre Trinckvel

L’érotisme, la sensualité et la spontanéité lui sont totalement inconnus. Il se croit atypique et fougueux mais est en réalité atrocement formaliste dans sa conception du sexe, formatée par le visionnage intensif de vidéos pornographiques de type Brazzer ; notre aspirant n’étant pas très féru de contenu amateur, « sauf si la meuf est vraiment bonne ! ». 

Convaincu de ses talents d’athlète sexuel, il envisage chacune de ses parties de jambes en l’air comme un entrainement pour les Jeux Olympiques du sexe. Son but : enchaîner un maximum de figures et de performances en un temps limité.

Sa vision des préliminaires est totalement protocolaire. Pour lui, une préparation optimale pour une bonne mise en jambe, c’est un cunni de 5 minutes avec option grand écart et nettoyage de muqueuses, 10 bonnes minutes de calage de doigts  (l’objectif étant d’essayer d’y rentrer la main au terme du temps imparti), une branlette de 10 minutes qui lui donne un sentiment de toute puissance et durant laquelle sa partenaire doit regarder sa bite comme un lingot d’or. Pour parachever l’entraînement, sa coéquipière se doit évidemment de lui prodiguer une bonne fellation.

Mais attention, pour que la fellation soit de compétition, le performeur mettra ses deux mains sur le crâne de la meuf, lui seul contrôlant le rythme frénétique des va-et-vient. Si cette dernière n’est pas à deux doigts de rendre son repas sur son membre turgescent, c’est une mauvaise suceuse. Si ses yeux ne dégoulinent pas de larmes chaudes faisant couler son mascara, c’est une frigide. De plus, il exige de se faire sucer debout et la fille à genoux. Si c’était physiquement possible, il aimerait se faire sucer du haut d’un tabouret ou d’un escabeau.

Le Marteau-Piqueur conçoit volontiers sa bite comme un gourdin. Il s’essaye à la biffle dès qu’il en a l’occasion, doué d’une propension à vouloir tapoter son sexe sur toutes les parties possibles et imaginables du corps de sa coéquipière. Seins, fesses, bien évidemment, mais quelques petits coups sur le ventre, les mollets ou les coudes ne sont jamais à exclure.

Selon lui, une femme est un robot multifonctions à commande vocale. Sur simple requête qu’il verbalise, elle doit être capable de lui lécher les couilles tout en se masturbant, tandis que son regard de salope aussi dévorant que sa bouche sur ses testicules.

Il attache une importance toute particulière à l’enchaînement de figures ainsi qu’à leurs aspects acrobatiques. S’il n’a pas tringlé sa partenaire dans quatre positions différentes (au minimum), il se questionne sur la possibilité de prendre du Viagra prématurément. 

Durant le coït, il inflige de douloureuses claques à sa partenaire et tire ses cheveux en les arrachant par poignées, qu’importe qu’elle se retrouve chauve avec les fesses de la couleur d’un Schtroumpf, seul compte son plaisir.

Il sait se faire poète et ne manquera pas de couvrir copieusement sa compagne de doux mots tels que :  « sac à foutre », « réceptacle à sperme », « salope à tringler sans pitié » et autres charmants sobriquets.

Dans son esprit, toute femme normalement constituée devrait hurler comme une truie qu’on égorge après trois va-et-vient dans son vagin. Si les trois pâtés de maisons avoisinants n’ont pas été réveillés consécutivement à sa performance, sa déception est immense.

Obsessionnel de l’anus, il se considère comme un expert de la sodomie. Ainsi, une « bonne levrette » ne peut être jugée complète s’il n’écarte pas les fesses de sa partenaire de sorte que sa raie se transforme en grand canyon.

Il désespère en secret que la vie ne l’ait pas doté d’une vision grand angle afin de pouvoir scruter son anatomie et celle de ses partenaires avec un effet grossissant.


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