Weegee, l’œil public numéro un 

Le photographe américain (1899 – 1968) a fait de sa carrière une plongée dans les noirceurs de  l’Amérique. Crimes, accidents de la route, ivresses sur la voie publique… il a photographié les  dessous de la nuit dans des compositions franches, sombres et intelligentes. Une exposition lui  rend hommage à la fondation Henri Cartier-Bresson à Paris.  

Weegee – Alessandra Sanguinetti 5

Self-Portrait, Weegee with Speed Graphic Camera, 1950 [Autoportrait avec un appareil Speed Graphic, 1950] © International Center of Photography. Collection Friedsam.

Dès l’entrée le visiteur est comme happé par la violence des images qui émanent des situations  prises en photographie par Weegee : on retiendra notamment ce qui représente un dessin au sol – l’emplacement d’un corps humain quelques minutes avant sa mort avec, tracé à la craie, le mot « head», pour désigner l’endroit où se trouvait la tête de la victime.  Un marquage nécessaire pour les  investigations de la police que Weegee côtoyait jour et nuit dès les années 1920 et jusque dans les  années 1950.  Il s’était même fait offrir par les autorités locales un poste de radio pour communiquer avec la police et être tenu au courant des premiers faits divers qui toucheraient la ville : de l’incendie qui se produirait dans un hall d’immeuble à un crime sordide commis dans les ruelles de New-York. Comme un rapace nocturne, le photographe chassait  les choses graves, se munissait de son appareil photo qu’il surnommait sa « lampe d’Aladdin  moderne » et attrapait au vol des moments de tragédies humaines qu’il présentait ensuite dans les principaux journaux de la ville.  

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Marylin Monroe  

Man Arrested for Cross-Dressing, New York, 1939 [Homme arrêté pour travestissement, 1939 © International Center of Photography. Louis Stettner Archives, Paris.

Peu à peu le photographe se fit une véritable réputation dans la presse, travailla même pour le monde de la  publicité et de la mode, et en profita pour asseoir la particularité de son regard. Une série de photographies nous marque ainsi particulièrement : celle d’une foule en train d’observer le crash d’un avion sur l’Empire State Building, visages stupéfaits par l’événement à voir actuellement à la fondation Henri Cartier-Bresson. Intitulée « Autopsie du Spectacle », l’exposition présente toute l’ambiguïté de l’œuvre du photographe, à  cheval entre la crudité inévitable de ses images et la douceur qui affleurait néanmoins dans sa  démarche, celle d’enregistrer la marche d’un monde dur et cruel par bien des aspects, mais toujours  enchantée par la découverte et la nouveauté. À ce titre, Weegee fera des portraits de stars en les  déformant grâce à un procédé technique bien à lui, étirant la peau de Marylin Monroe par exemple,  et s’attirant un certain succès dans les magazines qui publiaient ces caricatures. Une façon de rire de  la société du spectacle qui le hantait la plupart du temps dans ces extrémités les plus sombres. On  pense à ces portraits de criminels, présentés au début de l’exposition, où les intéressés cachent leurs  visages avec leurs chapeaux dès que le photographe déclenche son flash légendaire. Ce dernier nous  montre justement beaucoup dans cette façon qu’ils ont de le gêner : une forme de lâcheté, une honte  de l’acte commis, une volonté de perte d’identité que seul un artiste comme Weegee pouvait  sublimer. 

  • Weegee, Autopsie du Spectacle, du 30 janvier au 19 mai 2024, une exposition à voir à la Fondation Henri Cartier-Bresson, 79 Rue des Archives Paris.

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