Concordant judicieusement avec les agapes de fin d’année, le troisième film de Tyler Taormina expose une série de tableautins sensoriels lors d’une longue et mouvementée soirée de Noël dans la banlieue de Long Island. Sa tendresse nostalgique et son ambiance ouatée nous réconforte comme un bon feu de cheminée. Quitte à nous assoupir un peu.
On revient toujours sur les lieux de son enfance. Creusant son sillon autobiographique dans le cinéma indépendant américain depuis Ham on Rye en 2019, Tyler Taormina retourne une nouvelle fois filmer la banlieue pavillonnaire dans laquelle il a grandi, celle dont le ton monotone et la tranquillité urbaine tranche avec l’exubérance électrique des quartiers surpeuplés de New York. Noël à Miller’s Point raconte ainsi un réveillon de Noël au sein d’une famille italo-américaine à l’orée des années 2000. Un réveillon tout à fait comme les autres.
Home Sweet Home
Les guirlandes lumineuses accrochées aux maisons, le buffet de victuailles abondant, la tornade de baisers des tantes sur leurs neveux, l’effervescence un peu hystérique des retrouvailles, la grand-mère qui s’endort dans un coin du salon, les enfants qui jouent au sous-sol, les standards musicaux que l’on entonne autour du piano, la distribution des cadeaux autour du sapin, la joie extatique des petits devant la parade des camions de pompiers, tous les clichés du folklore noëlique américain sont présents.
L’originalité n’est pas ici à chercher dans le scénario mais dans la reconstitution personnelle d’un lieu particulier à une époque singulière. En s’attachant avec un soin maniaque à raconter sa petite histoire, Taormina embrasse sans ironie le rituel communautaire et la nostalgie qui lui est attachée au travers d’un enchaînement de séquences plus anecdotiques que signifiantes.
En effet, cet assemblage de sensations ne s’embarrasse pas d’un fil rouge narratif les reliant entre elles. Pour ainsi dire, il n’y a pas d’histoire. Ou si peu : devenue inadaptée pour la grand-mère vieillissante, la maison familiale va prochainement être vendue. Ce Noël est donc le dernier sous le toit qui a vu défiler trois générations d’une même lignée.
Le film tout entier est enveloppé de cette douce nostalgie et de cette humilité dans la construction de son dispositif mémoriel.
Retenir le passé
Ce sentiment de la perte couvre le film d’un voile mélancolique qui embue les yeux de quelques personnages lors d’une séquence particulièrement émouvante : visionnant des vieux films de famille enregistrés à une fête de mariage ou lors de vacances de jeunesse, la sensation du temps qui passe est filmée avec pudeur et en empathie totale avec les acteurs dont les images projetées sont celles de leur véritable moi passé. Ce mélange des genres se retrouve également dans la présence au casting de Michael Cera (associé au groupe de producteurs d’Omnes Films dont fait partie Taormina) en flic local déphasé ; et de Francesca Scorsese et Sawyer Spielberg, fille et fils de…, référence assumée à deux cinéastes de génie ayant fait de la famille la pierre angulaire de l’héritage socio-culturel américain.
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Le film tout entier est enveloppé de cette douce nostalgie et de cette humilité dans la construction de son dispositif mémoriel. La quasi-inexistence d’intrigue encourage néanmoins la divagation de l’esprit et l’assoupissement du corps. Un peu à la manière de ces interminables émissions de Noël que l’on regardait au milieu de l’effervescence générale, blotti contre les siens, à moitié endormi, sans se soucier de perdre le fil de l’histoire.
- Noël à Miller’s Point, un film de Tyler Taormina, avec Mathilda Fleming, Francesca Scorsese, Michael Cera, Elsie Fisher. En salles le 11 décembre 2024
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