L’Hydre Jamais ne Meurt : Épopée brutale et éclats de vulgarité

Antoine Zwicky signe son premier roman, L’Hydre jamais ne meurt, publié par la maison d’édition La Giberne. Cet ouvrage de fantasy épique et chevaleresque marque les débuts d’un auteur prometteur dans le genre. Le livre propose une approche originale et brute qui se distingue dans le paysage littéraire contemporain.

Ce n’est pas tous les jours qu’un livre parvient à briser la monotonie des vies prosaïques de nos contemporains en 2024. Avec L’Hydre jamais ne meurt, Zwicky offre une véritable bombe, un antidote à l’ennui moderne, une évasion salutaire loin des abysses de TikTok et de Tinder.

Troisième ouvrage publié par la toute jeune maison d’édition La Giberne, ce livre annonce les débuts d’Antoine Zwicky dans le monde littéraire. C’est son tout premier livre, et quel premier livre !

« À La Giberne notre idée maîtresse, c’est de publier peu de textes pour travailler dessus en profondeur, en lien avec l’auteur et en prenant le temps de peaufiner chaque détail, tout en sortant des canaux de distribution classiques afin de réduire les coûts et de pouvoir rémunérer tous les intervenants à leur juste valeur. Aujourd’hui, sur un livre à 10 euros, l’auteur touche parfois moins de 50 centimes ! Il est temps de proposer une alternative à cette situation », s’exprimait Le Hussard, fondateur de La Giberne dans un entretien sur notre site dédié à son livre Pays réel.

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Pour lui, La Giberne doit avant tout offrir le plaisir du texte : une prose fluide, agréable, qui coule de source et ravit l’esprit. Son ambition ? Créer de véritables page-turners, des œuvres qui saisissent et abordent les préoccupations contemporaines : l’aérospatial, le Grand Paris, l’intelligence artificielle, le jeu vidéo, les mouvements migratoires, l’évolution des démocraties, les réseaux sociaux. Une entreprise ambitieuse mais essentielle pour captiver le lecteur moderne souvent trop sollicité par les écrans.

Histoire de la violence

Dans un état lamentable, les chevaliers de l’Hydre affrontent alors le froid mordant et entreprennent une traversée périlleuse des monts acérés

L’histoire commence avec la prise d’assaut de Cybourg, une ville rebelle. Feu-Follet, non content de massacrer une foule d’ennemis, profite de l’occasion pour laisser son supérieur tomber dans une embuscade et perdre la vie, afin de s’assurer une promotion. La mort suspecte de son chef le propulse à la tête du régiment du Serpent, faisant de lui un membre éminent de l’état-major de l’Hydre.

Sur le chemin du retour, son régiment est attaqué en pleine forêt et doit se précipiter vers la forteresse de l’Hydre, sous une pluie de flèches. Mais même la forteresse ne résistera pas aux tirs de canon de leurs assaillants. Seuls quelques centaines d’hommes survivent, parmi eux Courtois, un autre haut gradé de l’Hydre, d’une beauté intrigante et d’une douceur trompeuse. Ils doivent abandonner leur forteresse, leur équipement, et le divin sang de l’Hydre, une substance aux pouvoirs mystérieux, à leurs ennemis, qui s’avèrent être les chevaliers de leur propre roi.

Dans un état lamentable, les chevaliers de l’Hydre affrontent alors le froid mordant et entreprennent une traversée périlleuse des monts acérés. Entre les trahisons, le gel et les morts, les survivants se jurent de reconstruire l’Hydre et de se venger de cet affront. Reconvertis en mercenaires pour la République d’Aliccia, Feu-Follet, Courtois et leurs fidèles, désormais sous de nouvelles identités, se taillent une réputation de combattants d’élite à travers une série de massacres sanglants. Leur objectif ultime : récupérer le sang de l’Hydre.

Ce livre se dévore avec la facilité d’une tomate mozzarella en lendemain de cuite, minutieusement arrosé de jurons croustillants comme « gros merlu », « vieux schnocks », « une tripotée de fils de pute ». L’auteur défie les règles de la bienséance et saupoudre son récit de ces vulgarités succulentes, puise dans les annales médiévales, les récits de batailles sanglantes, et propose une satire démocratique acerbe. Le tout est, bien sûr, savamment mêlé à des histoires de combats féroces. 

L’Hydre jamais ne meurt ou comment apprendre à trancher une carotide 

François Rabelais et Antoine Zwicky, c’est le rire à la française comme arme de destruction massive.

Ce qui différencie vraiment les personnages de ce roman des héros traditionnels de la chevalerie, c’est leur absence totale de scrupules et de bénignité. Ici, ni princesses ni nobles intentions ne peuvent arrêter ces types. Ils pillent, tuent, brutalisent, trucident et massacrent sans la moindre hésitation. Comme le résume une citation du livre : « Toutes les souffrances que nous infligeons sont largement compensées par le bonheur que nous en retirons ». 

L’auteur manie également le procédé du flux de conscience avec brio et nous plonge directement dans le cerveau de ses personnages, capturant le déferlement incessant de leurs pensées ô combien obscènes. Cette technique nous offre un accès brut et intime à l’esprit des protagonistes, comme un long monologue intérieur qui ne s’arrête jamais. Dans le monumental À la recherche du temps perdu, Marcel Proust s’adonne lui aussi à cette technique d’écriture et explore la mémoire et la subjectivité du narrateur avec une délectation maniaque. L’Hydre jamais ne meurt utilise le flux de conscience pour nous révéler l’humour noir et les délires mentaux du personnage, il immerge alors le lecteur dans les recoins aussi déjantés que fascinants de la tête de Feu-Follet.

Le texte est émaillé d’onomatopées éparses, sous forme de calligrammes en folie, avec une calligraphie délirante. Par exemple, une série de « Fap-fap-fap » suggère qu’un garde se livre à une petite séance de masturbation, ajoutant une touche d’humour et de subtilité au talent d’Antoine Zwicky, qui, bien sûr, ne prend pas la peine d’expliquer quoi que ce soit. C’est dans cette ambiguïté joyeusement obscène que réside tout l’art de Zwicky. 

Dans L’hydre jamais ne meurt, on retrouve un esprit gras et paillard, presque scatologique, qu’un certain François Rabelais aurait pu manier en son temps. Imaginez des satiristes intrépides qui dynamitent tout sur leur passage, surtout les institutions et les codes moraux, comme si rien n’était sacré. À la manière des œuvres Gargantua et Pantagruel, ce livre nous plonge dans un carnaval de dialogues et de pensées du bas corporel, où la violence, dominante, flirte tout de même avec le comique. François Rabelais et Antoine Zwicky, c’est le rire à la française comme arme de destruction massive. Ils nous rappellent qu’au fond, pour être vraiment humain, il faut savoir rire de tout.

  • Antoine Zwicky, L’Hydre jamais ne meurt, La Giberne, 2024

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