L’amour sans le faire

Serge Joncour
Serge Joncour

Il a obtenu le mois dernier le Prix littéraire des hebdos en régions pour sa dernière publication, “L’amour sans le faire” (Flammarion, 22 août 2012). L’auteur d’U.V. (Le dillettante, 2003) et de L’idole (Flammarion, 2005), nous donne à lire dans son dixième roman, touché par la grâce, une bouleversante histoire de la tendresse autant qu’un fabuleux hymne à la nature.

L'amour sans le faire
22/08/2012

Serge Joncour aurait-il donné la plus belle part de lui-même dans son 10e roman, L’amour sans le faire ? C’est l’histoire croisée de Louise, Franck et Alexandre, son frère cadet mort accidentellement mais tellement présent tout au long du livre. Le lecteur entre rapidement dans la vie de ces personnages et se fond dans cette campagne si bien dépeinte que les images se dessinent nettement, à la manière d’un film. On ressent jusqu’à la chaleur écrasante de cet été, où Franck et Louise, tous deux éprouvés par la vie, se retrouvent, plantés dans ce décor. Ils ne se connaissent pas mais semblent se reconnaître unis par leur drame commun. « Parfois il arrive de se sentir instantanément proche d’êtres dont on n’a pas vraiment fait la rencontre, mais naturellement un lien se tisse, sans effort, sans volonté, par le seul fait d’une gigantesque coïncidence »

Franck, qui a fui la ferme familiale, ressent le besoin d’y retourner, 10 ans après l’avoir quittée. « Alexandre ne comprenait pas que son aîné ait l’envie de quitter tout ça. Au fil des mois s’accentuait chez lui le sentiment de trahison ».

“Elle sait aussi que sa vie on ne la refait pas, c’est juste l’ancienne sur laquelle on insiste”

Après le cimetière, à l’enterrement d’Alexandre, chacun est reparti dans sa vie : Franck en ville, avec sa caméra pour mener une carrière artistique avec Helena, sa fiancée, couple qui se dénoue après 12 ans de vie commune et rien au bout, pas même un enfant ; Louise en survie, dévorée par la disparition d’Alexandre, qui porte un visage de chagrin, un poids énorme, elle ne tient qu’à un fil. « Rien n’effacera Alexandre, elle le sait, elle sait aussi que sa vie on en la refait pas, c’est juste l’ancienne sur laquelle on insiste ».

Alexandre « le petit » grandit donc à la ferme élevé par les parents de Franck qui ignore son existence. A son arrivée à la ferme, Franck tombe sur ce gamin « solaire » et sur Louise, sa mère. La rencontre entre ces trois êtres arrive comme un arc-en-ciel après la pluie, il y a comme un goût de renouveau, de soleil après les larmes, le tout emporté par l’énergie débordante de ce petit astre de 5 ans qui illumine tout et aide les adultes à renouer.

Ici, à ce point du livre, à la manière d’un Pagnol, la nature tient un rôle prépondérant

Bien qu’étouffante, l’atmosphère s’apaise. Les éléments se mettent en place, on respire, même la table en chêne prend l’air. L’amour s’instille au fil des pages, tout en retenue. Cet amour sans le faire, sans le dire, apparaît dans sa forme la plus puissante au milieu de cette nature prégnante, à la fois destructrice et source de vie. Ici, à ce point du livre, à la manière d’un Pagnol, la nature tient un rôle prépondérant. Personnifiée, elle apparaît comme celle qui sait régénérer par ses multiples charmes ceux chez qui elle a semé le malheur. A l’image de ces deux êtres, liés par le même drame puis par le même amour naissant. Il y a là comme un chiasme dans les sentiments.

De la sensibilité sans misérabilisme, l’audace et le talent qu’il faut pour décider de rendre intéressante une fuite d’eau dans un champ, ce roman, à la fois rural, social et très contemporain, offre une large palette de sentiments humains, explore chaque personnage jusqu’au fond de son âme, en retourne chaque recoin comme un sanglier une terre grasse.

L'amour sans le faire, Serge Joncour, Flammarion, 320 p., 19 euros, 2012
L’amour sans le faire, Serge Joncour, Flammarion, 320 p., 19 euros, 2012

Séverine Osché


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