Un problème structurel et systémique n’est ni simple à démonter ni simple à démontrer. Loin d’être dénué d’importance, Le culte de l’auteur semble, malgré ses vertueuses intentions, occulter et confondre de nombreux points, simplifier de trop nombreuses factualités. Geneviève Sellier a su entendre les exaspérations, c’est certain, et plus encore les témoignages de victimes au sein de l’industrie cinématographique. Elle a su ouvrir l’oreille et le besoin de trouver des réponses, d’en finir avec cette horreur qui ne cesse de s’étendre au fur et à mesure que les paroles se délient. De là, pouvons-nous affirmer qu’une bonne intention ne suffirait pas pour construire un bon raisonnement ? Ce serait peu dire. Il y a des choses plus faciles à entendre et à voir qu’à démêler ; les dérives du cinéma français (sous-titre de l’ouvrage) en sont l’exemple paroxystique.
Si l’on fait le constat que la politique des auteurs théorisée par la Nouvelle Vague au cours des années 1960 (« la plus grande supercherie de l’histoire du cinéma ! » s’offusque Sellier) a engendré certains rapports de force au sein de l’industrie cinématographique (axiome même du Culte de l’auteur), alors il faudra s’y tenir et démontrer, indiquer, prouver que la corrélation et le rapport de cause à conséquence s’est imbibé, étendu entièrement. Or Geneviève Sellier fuit la démonstration au profit d’une véritable description panoramique du sexisme des scénarios de ces dernières décennies. La démarche n’est pas vaine en soi, mais après coup, elle laisse désirer une approche plus générale, plus esthétique, provoquant un sentiment de vide envers l’axiome introductif. Jeter des pierres sur les Truffaut, Rohmer et autres Godard, Rivette, calmera sans doute les foules énervées contre leur cinéma, mais ne résoudra rien au long terme contre les violences faites aux femmes et, plus généralement, aux minorités. Les horreurs qu’engendrent patriarcat et capitalisme dépassent malheureusement les quelques théories cinématographiques de l’après-guerre. Pour lors, détricoter les points qu’apporte Sellier dans son ouvrage permettra – espérons-le – d’y voir plus clair ensuite.
Premier Malus : Les carences de l’épuisement
Au cours de notre lecture, on remarque dans l’écriture de Sellier une certaine manie de terminer ses paragraphes par des points de suspension, laissant à croire que les choses vont de soi, que ça coule de source, que l’évidence est là sans avoir besoin de la démontrer. Mais ne pas prendre le temps de développer une perception laisse forcément croire, au même titre que les complots, que les raisons de la chose sont bien trop logiques pour qu’on perde du temps à les démontrer. C’est par exemple, après une citation douteuse sur Dali et son rapport au travail, l’empressement qu’a Sellier pour rajouter « Il suffit de remplacer peindre par filmer… » sans rien ajouter d’autre que ces trois petits points. Mais s’il suffisait de remplacer un mot par un autre sans l’expliquer, pourquoi alors s’ennuyer à écrire ? La manie de ces points de suspension, additionnée à un certain vocabulaire propre à la suspicion ironique (« le cinéma d’auteur camoufle » ou « [insérer théorie spéculative], bien entendu ») et accouplé à des spéculations douteuses (comme le choix de l’actrice Marine Vacth (chez Ozon), « suffisamment androgyne […] pour satisfaire […] les fantasmes gays », ou celui de Wiseman (chez Zlotowski), apparemment fait pour représenter « encore une figure de vieux juif sympathique… ») donne la désagréable sensation d’une théorie complotiste bas-de-gamme.
Face à l’art, faut-il être matérialiste ou idéaliste ? Dévoiler les zones obscures de notre monde ? Ou au contraire, préserver le public et ne pas reproduire les violences du réel ?
Aussi, faut-il dire que dans les papiers critiques de Sellier, tout est toujours et constamment simplifié jusqu’à la vulgarisation. Lors de son analyse de La Maman et la Putain d’Eustache, par exemple, Sellier exprime que les plans de coupe sur les visages des actrices seraient là pour nous « convaincre de la profondeur de ce qu’il [Alexandre, le personnage masculin] raconte » Mais ce constat spéculatif – ou a minima subjectif – occulte le fait qu’Eustache pourrait tout aussi bien, par ces mêmes plans de coupe, tourner au ridicule son héros et non le déifier. Par le cinéma, certains plans peuvent tout autant nous convaincre que nous rebuter ; et c’est bien là d’ailleurs toute sa puissance : provoquer des sentiments perturbés, complexes et élastiques. Tirer une conclusion hâtive d’analyse filmique ne provoquerait rien d’autre que la confirmation autoritaire qu’un·e spectactateurice ne sera finalement jamais en capacité de s’émanciper du film qu’iel voit. Toutefois, nous espérons le contraire.
D’ailleurs, parlant public, nous observons aussi que dans le développement de Sellier, un argument d’autorité récurrent consiste à préciser le nombre d’entrées en salle des films cités, comme pour tenter d’exprimer un potentiel gouffre entre le public et le cinéma dit d’auteur. Mais cet argument, s’il n’est pas mis en perspective avec le nombre de copies et le budget communication précis du film, constitue un faux biais. En effet, le lieu commun néo-libéral et économique qui voudrait que la proposition se lie à la demande (en étant libérée de tout déterminisme préalable) est un mythe idéologique et idéaliste. La réalité matérielle impliquerait de considérer les consommateurices (et donc ici les spectactateurices) comme aliéné·es et biaisé·es par les perversités bien connues de la publicité, et les absences ou raretés des séances dans certaines salles de certains films moins bankables que d’autres. Malgré tout, ouvrir les hypothèses que le public baigné dans un monde patriarcal aurait tendance à se diriger vers des œuvres réalisées par des hommes ou que le budget communication d’un film dépend systématiquement du genre de son/sa cinéaste (ce que ne fait pas réellement Sellier) auraient, par ailleurs, été des hypothèses plus viables que la simple et réductrice dénonciation d’un système qui donnerait plus à certains et moins à certaines, de manière aléatoire ou étroitement évaluée en fonction du degrés de filiation avec la Nouvelle Vague et la politique des auteurs. Mais Sellier ne semble pas vouloir percevoir l’industrie dans son cadre plus large. Elle semble plutôt vouloir y imposer son combat féministe (chose pour laquelle nous aurions aimé la suivre) ; or un combat théorique sans rigueur méthodique est un combat malheureusement perdu d’avance.
Par exemple, le souhait de vraisemblance a, chez Sellier, deux poids deux mesures. Entre autres, page 243, elle critique négativement « l’association entre le sexe et la violence (qui s’exerce le plus souvent contre le personnage féminin) » et plus tôt dans le livre, elle critique négativement (aussi) que « Dans le cinéma d’Emmanuel Mouret, la domination masculine n’existe pas » Autrement dit, elle s’exaspère qu’une réalité factuelle et sociale (les femmes subissent la violence et la domination des hommes) soit omniprésente au cinéma, et s’exaspère tout autant qu’une exception puisse y être filmée (la tendresse des hommes chez Mouret). Cependant, il y a ici, dans ce rapport moral, un nœud pervers engendré par un questionnement foncièrement philosophique. Face à l’art, faut-il être matérialiste ou idéaliste ? Dévoiler les zones obscures de notre monde ? Ou au contraire, préserver le public et ne pas reproduire les violences du réel ? La question est, certes, difficile à trancher – mais nous aurions aimé que Sellier fasse un choix clair, car cette incohérence fondamentale ne serait rien si elle ne s’additionnait pas aux autres propos tendancieux qui remplissent Le culte de l’auteur.
Parlant de Bruno Dumont, elle lui fait un procès d’intention totalement subjectif : « Il fait partie de ces cinéastes auteurs qui sont plus soucieux de montrer leur singularité que d’intéresser les spectateurices aux histoires qu’ils racontent » sans jamais le démontrer. Mais spéculer sur l’intention potentielle d’un cinéaste en lui prêtant un snobisme improuvable n’aiguisera en rien notre manière d’approcher son œuvre. Car nous pourrions dire exactement l’inverse, et imposer que Dumont est plus soucieux d’intéresser ses spectateurices que de montrer sa singularité. Sans arguments, sans développements, tout avis ne vaut rien. Laissons ça aux comptoirs.
Confondre morale et esthétique serait finalement une aussi grossière erreur que de souhaiter les scinder sans concessions.
Premier Bonus : Les besoins de réponses
L’énumération (que fait Sellier dans son quatrième chapitre) des VSS (violences sexistes et sexuelles) liées au monde du cinéma ouvre la nécessité d’une révolte et/ou d’une révolution. Le culte de l’auteur, derrière ses tentatives de réponses, fait office de synthèse terrible de la situation actuelle. On ne ressort pas de l’ouvrage sans se dire que quelque chose cloche. En ce sens, Le culte de l’auteur, malgré ses défauts, ne peut être qu’un texte important. Et néanmoins, il ne faudrait pas faire l’erreur de souhaiter y trouver la source originelle du mal, non, il faudrait l’ouvrir en se disant que le chemin est encore long et qu’il sera primordial que chacun, chacune, lecteurs, lectrices, nous nous mettions activement à démêler les nœuds sadiques que cette industrie générale a lacés depuis trop longtemps.
Confondre morale et esthétique serait finalement une aussi grossière erreur que de souhaiter les scinder sans concessions. Il en sera au rôle de la critique et des critiques que de peser les œuvres selon leur geste intrinsèque et de ne faire aucune généralité artistique. Car jamais il ne faudrait oublier que le propre de l’art est justement d’être l’exception. Et qu’en ce sens bien qu’exceptionnel, sa place est omniprésente dans notre culture, notre quotidien. Sa responsabilité politique ne sera pas à nier, et même si nous la relativisons en y trouvant ses limites, force est de constater que la colère légitime de Sellier a ce mérite d’ouvrir des questions à creuser, des hypothèses concevables. Car même si nous ne considérons pas que la politique des auteurs soit la fautive, Sellier ouvre malgré tout d’autres pistes pertinentes. Le chapitre I, titré « La matrice hollywoodienne du cinéma de fiction occidental », développe une origine du mal captivante. Et la sous-partie du chapitre II, titrée « La figure romantique du génie solitaire », en montrant les limites de ce fantasme omniprésent en société de l’artiste comme figure torturée, aussi.
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Au creux de tout ça, Sellier fait au moins le rappel primordial que même le cinéma dit d’auteur peut proposer (et pas rarement) des mauvais films. Et que l’omniprésence bourgeoise dans le cinéma français (que démontre bien Sellier) devrait détruire cette illusion que le cinéma (ou la culture en général) serait de gauche, dans le camp de l’émancipation et du marxisme. Ce lieu commun qui, par le biais artistique, fantasme un contre-pouvoir révolutionnaire devrait donc absolument s’émietter ou, au moins, ne pas se reposer sur ses faux lauriers. Car si la politique de l’auteur époque Nouvelle Vague n’a pas su, aux yeux de nos contemporains, détruire suffisamment les règles bourgeoises, il en va aux nouvelles et nouveaux cinéastes de poursuivre la démarche en révolutionnant esthétiquement et moralement les nouveaux codes, les nouvelles sphères dominantes, sans pour autant revenir vers un cinéma de papa qui, par son nom même, serait l’antithèse des volontés de Sellier et des nôtres. Pour ça, il faudra malgré tout prendre la continuité des démarches esthétiques que la Nouvelle Vague a su apporter, et tenter ensuite d’y additionner les nouveaux combats, les nouvelles formes de souhaits émancipateurs (à la manière de Federici, par exemple, qui dans Le Capitalisme patriarcal, a su se placer en continuité de Marx tout en y remarquant ses manquements féministes et en y souhaitant, de facto, les additionner à la base matérialiste de la pensée marxiste.)
Second Malus : Les soucis de la morale
Désubjectiviser la création n’aurait comme inévitable conséquence de faire disparaître la singularité des regards et, par-là même, la possibilité d’un contre-pouvoir émancipateur (un regard qui viendrait du bas, des dominé·es, de celles et ceux dont le vécu et la particularité propre ne peuvent, dans le contexte hiérarchique actuel, exister). Sellier, d’une part, affirme que les déterminismes sociaux des cinéastes sont essentiels à l’analyse critique de leurs œuvres. Pourtant, d’autre part, nombreuses fois elle cédera à l’oubli de ce précepte et fera couler de l’encre essentialiste, morale et extra-esthétique. Car, et qu’on le souhaite ou non, les déterminismes sociaux touchent aussi les bourgeois, les hommes, les blancs, et les dominants dans leur ensemble. Ces déterminismes doivent donc aussi se lire cinématographiquement. Percevoir la surreprésentation de ces profils ne vaut pas jugement esthétique, mais questionnement plus large sur l’état des lieux des rapports de force du pays. Autrement dit, si un cinéaste fait un art bourgeois, cela voudra simplement dire que son point de vue est bourgeois, que sa subjectivité est bourgeoise, mais cela ne voudra pas dire que son film est médiocre. Un cinéma bourgeois peut tout aussi bien être bon que mauvais – le point de vue bourgeois ne vaut pas en soi valeur esthétique. Donnez un droit de regard à un bourgeois, et vous obtiendrez immanquablement un regard bourgeois (avec des partielles nuances selon son degré de conscience marxiste). L’horreur ne sera donc jamais l’existence d’un regard tel, mais plutôt l’absence générale de précision claire sur cette disposition biaisée, accouplé à l’absence de contre-regard ou de réels regards prolétaires. Là où pourtant Sellier touche juste, c’est que cette omniprésence bourgeoise et masculine donne inconsciemment la sensation que le monde doit être vu par ce prisme. Et c’est là toute la perversité de la chose. Trop nombreux papiers critiques occultent la subjectivité des artistes, propageant donc volontairement ou involontairement l’idée détournée que le monde devrait être vu selon le regard des puissants, des dominants – ce qui finalement permet à l’ordre actuel de perdurer sans contrechamp ni contre-discours.
Le cinéma, cela va de soi, ne saurait être exempt des maux et des discriminations de la société toute entière. Mais détourner la faute de ces mêmes maux sur l’épiphénomène théorique de la politique des auteurs instaurée il y a moins d’un siècle par la Nouvelle Vague ne pourrait être autre chose que la consécration des structures puissantes et extra-cinématographique qui résident en dehors de la bande des cahiers. La destruction du patriarcat et du capitalisme ne pourrait évidemment pas se réduire à la destruction d’une pensée conceptuelle et formelle d’un art.
Les développements moraux qu’étend Sellier dans Le culte de l’auteur ne pourront résoudre l’ignoble situation. Page 130, elle exprime que le cinéma devrait montrer les rapports de force en société « pour les conforter ou pour les dénoncer » Mais ce constat manichéen occulte entièrement que le cinéma a aussi ce pouvoir d’observer à distance les relations et les phénomènes sociaux, pouvant ainsi les montrer tels qu’ils sont sans pour autant les conforter ou les dénoncer. C’est tout le travail même de la sociologie. Observer et analyser la société et ensuite seulement, à tout un chacun d’en tirer ses conclusions et ses souhaits de conformisme, de progressisme, de réaction ou de révolution. Si le cinéma ne se définit plus comme une arme de propagande, mais plutôt comme un outil sociologique, instantanément l’approche politique gagne en clarté. Car les systèmes esthétiques sont propres à chaque film.
Par ailleurs, sur Emmanuel Mouret, Sellier écrit « Le seul élément que je mettrai au crédit de ce réalisateur, c’est qu’il nous épargne les scènes de sexe : on voit beaucoup les protagonistes au lit, mais toujours après l’amour et les corps sous les draps. » Mais qu’est-ce qu’ici Sellier insinue ? Pudeur bornée ? Vieille France ? Christianisme puritain ? Féminisme ? Vraiment ? Mais si vraiment féminisme il y a dans cette remarque – c’est-à-dire si volonté de ne plus représenter l’objectification des corps féminins il y a – alors montrer le sexe ne devrait pas être un problème. Et le problème ne devrait qu’uniquement être : comment le montrer ? Comment le montrer avec un regard féministe ? Et c’est bien là le réel problème d’une lecture morale ; elle laisse forcément à croire que la morale serait prédominante sur les faits et gestes des personnages intérieurs aux œuvres. Or, si morale il doit y avoir au cinéma, elle ne pourra être qu’extra-scénaristique. Autrement dit, seule la mise en scène, jamais ce qui est montré en soi. Mais Sellier, constamment, fait cette bévue. La description exclusive des faits narratifs ne vaut strictement rien esthétiquement, et de surcroît envers un art audiovisuel. Ce que l’autrice provoque ici est avant tout une lecture éthique des histoires racontées. La question de cet angle n’est pas dénuée d’intérêt, loin de là, et même potentiellement nécessaire politiquement. Mais artistiquement, elle n’est rien. Elle est le point zéro de la tentative de révolution formelle et esthétique (et donc de la politique de l’esthétique).
La destruction du patriarcat et du capitalisme ne pourrait évidemment pas se réduire à la destruction d’une pensée conceptuelle et formelle d’un art.
Et l’un des seuls passages du livre où Sellier tente de développer esthétiquement son rapport critique à une mise en scène, c’est envers le dernier film de Donzelli, dont elle écrit : « L’Amour et les forêts est un film politiquement engagé qui échappe aux défauts du film à thèse grâce au degrés intense d’incarnation qu’on doit à la direction d’acteurices de Donzelli, mais aussi à un filmage en longs plans séquences qui favorise l’empathie avec la protagoniste, ainsi qu’à la sensualité des lieux que la caméra parvient à transmettre » Remarquez comment ces quelques éléments d’analyse se retrouvent expédiés en une unique phrase faite de formules totalement creuses : « degré intense d’incarnation », « un filmage qui favorise l’empathie », « sensualité des lieux que la caméra parvient à transmettre » Lecteurices de critiques, ne méritons-nous pas mieux ?
Autre exemple lorsque Sellier, parlant du film Police d’Anne Fontaine, questionne : « Est-ce que ce film fait avancer la lutte contre les violences policières et le racisme systémique de ce milieu ? Est-ce qu’il dénonce efficacement la politique de plus en plus restrictive de la France sur le droit d’asile ? On peut en douter… » Et voilà maintenant qu’au devant de ses systémiques trois petits points, Sellier réclame au septième art de gérer les horreurs sociétales de notre siècle et de la politique néo-libérale raciste et autoritaire actuelle. Loin de nous l’envie de défendre le Police d’Anne Fontaine, mais force est de constater que les questions rhétoriques de Sellier semblent malvenues. On ne doit pas demander au cinéma (et tant mieux sans doute) de régler les maux de la cité. Et il semble donc bien que la réelle confusion dans lequel Le culte de l’auteur s’est engouffré est celle-ci : partir du procédé que le cinéma serait forcément et invariablement une force propagandiste, et qu’en ce sens, le camp de l’émancipation devrait se l’approprier, déloger les bourgeois actuels de cette arme et s’installer pleinement dedans pour, à notre tour, propager nos idées. C’est une bien triste réduction des possibles.
On ne doit pas demander au cinéma (et tant mieux sans doute) de régler les maux de la cité. Il est grand temps de prendre à bras le corps l’horreur qui se trame devant et derrière nos écrans.
Second Bonus : Les questions ouvertes
Il est indéniable que l’industrie cinématographique ne peut échapper aux règles sociétales et autres critiques et combats des rapports de domination, de hiérarchie, de capitalisme, de patriarcat, de racisme, d’hétéro-normativité et d’impunité des puissants, mais il serait primordial de faire son procès dans un cadre moins bancal, moins idéaliste et moins confus que celui développé ici par Geneviève Sellier. Son ouvrage, Le culte de l’auteur, ouvre un chemin, donne une direction, et permet au témoin de passer d’un développement à un autre, car le relais ne fait que commencer. Et pour abattre la citadelle, nous avons toustes à affiner nos réflexions. La course est longue, mais ces derniers temps nous ont prouvé que notre camp savait courir. Faisons confiance aux lecteurices du Culte de l’auteur pour ne pas le prendre comme une fin, mais plutôt l’empoigner comme un début. Il est grand temps de prendre à bras le corps l’horreur qui se trame devant et derrière nos écrans, mais pour ce, il serait surtout grand temps d’affronter sèchement le capitalisme patriarcal, de le confronter à ses chiens de garde, plutôt que de se diriger inexactement contre ses potentiels aliénés passés et présents (la Nouvelle Vague) qui, malgré eux, tout de même, ont tenté de révolutionner les codes bourgeois et leurs courroies esthétiques. En attendant, décompressons et retournons en courant lire Vergès, Lordon, Federici ou Rancière, toustes régulièrement publié·es aussi aux éditions La Fabrique. Ce n’est pas qu’une envie, c’est un besoin. Et l’attache à ces auteurices, un soutien.
- Geneviève Sellier, Le Culte de l’auteur, La Fabrique Éditions, 2024.
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