Avec Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère), Pat Boonitipat inscrit d’emblée son premier long-métrage dans le registre du mélodrame familial. Malgré des faiblesses narratives et des effets parfois appuyés, le film conserve une forme de justesse et parvient, à sa manière, à émouvoir.

L’intrigue de Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) n’a, à première vue, rien de particulièrement séduisant : un adolescent s’installe chez sa grand-mère mourante dans l’espoir d’hériter de sa fortune. Un tel postulat laisse présager, au choix, un drame social teinté d’humour noir ou un mélodrame familial aux accents moralisateurs – et c’est cette seconde voie que le film emprunte. D’autant que les attentes restent mesurées face à ce premier essai cinématographique de Pat Boonitipat, un réalisateur venu de la télévision. Pourtant, la surprise est agréable dès les premières scènes : Boonitipat se révèle à l’aise derrière la caméra, soigne le placement de ses acteurs et fait un usage habile – quoique attendu – de la musique, harmonieusement intégrée à ses images épurées.
Si le réalisateur manifeste un certain talent pour explorer les dynamiques familiales et les tensions sociales entre ses personnages, le film s’enlise néanmoins dans une série de scènes superflues et de développements narratifs dont le poids dramatique peine à se justifier pleinement. L’ensemble pâtit d’une mécanique un peu trop balisée, où les temps forts émotionnels semblent appliqués avec une certaine facilité. Reste que le rythme maîtrisé du récit et l’entrain de la bande-son confèrent à l’ensemble une intensité dramatique factice mais efficace, livrant au final un mélo tire-larmes aussi fonctionnel que plaisant.
Des larmes sans substance
Le film avait le potentiel d’explorer une palette de thèmes captivants, mais ceux-ci se retrouvent dilués dans une trame scénaristique convenue et artificiellement dramatique. La précarité financière des jeunes, par exemple, n’est qu’effleurée sans jamais être réellement interrogée. La nécessité de recourir à des stratagèmes douteux – ouvrir des comptes érotiques sur OnlyFans, orchestrer des combines familiales ou soutirer de l’argent aux personnes âgées – révèle pourtant une fracture économique où jeunes et anciens s’exploitent mutuellement et où le temps se convertit en argent et vice versa.
“Agréable à suivre, le film manque cependant de profondeur pour véritablement marquer les esprits, se contentant d’être un exercice soigné mais éphémère.”
Le film esquisse une opposition entre une Thaïlande traditionnelle, incarnée par la grand-mère et son attachement aux valeurs religieuses, et la modernité hyperconnectée du petit-fils, absorbé par ses écrans et son univers virtuel. En filigrane, il se veut un dialogue entre générations : le jeune homme apprend à ancrer une partie de son existence dans le réel, tandis que la grand-mère s’ouvre progressivement aux outils technologiques. Après une chimiothérapie, la grand-mère s’amuse avec les filtres Instagram de son petit-fils tandis que le garçon, ayant saisi l’importance des icônes et des rites, la convainc d’installer une caméra de surveillance dans le sanctuaire familial. Si ces scènes touchent juste et instaurent une réflexion sur l’effacement progressif des traditions religieuses, ces éléments restent à l’état d’ébauche, suggérés plus qu’explorés, et laissent le film flotter entre émotion programmée et véritable engagement thématique. Agréable à suivre, le film manque cependant de profondeur pour véritablement marquer les esprits, se contentant d’être un exercice soigné mais éphémère – ce qui, à sa décharge, semble précisément ce qu’il ambitionne d’être.
Pourtant, quelques séquences demeurent très belles. Une en particulier : après la mort de sa grand-mère, le protagoniste découvre qu’elle lui a finalement laissé une importante somme d’argent. Tandis qu’il traverse une rue longeant des rails de train, un doux panoramique accompagne le passage d’un convoi et fait surgir un souvenir : vingt ans plus tôt, il marchait au même endroit avec sa grand-mère, qui lui promettait de mettre de l’argent de côté pour lui, en vue de l’avenir. Si la morale du film reste artificielle, elle n’en demeure pas moins un bel écho à la manière dont le cinéma, comme les souvenirs, ravive des moments enfouis sans briser l’unité de l’espace.
Ironiquement, ce que le film raconte sur la mémoire semble mieux incarné par cette brève séquence que par le récit lui-même. Comme un billet oublié au fond d’un tiroir, son émotion surgit par instants, mais s’efface aussi vite qu’elle est apparue.
- Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) un film de Pat Boonitipat, avec Putthipong Assaratanakul et Usha Seamkhum. En salles le 16 mai.
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