Jusqu’au 4 juillet le Grand Palais nous propose une exposition singulière. Ne vous attendez pas à trouver une frise chronologique, des cartels ou même encore des explications thématiques et didactiques par salle. Jean-Hubert Martin, commissaire de renom a voulu « décloisonner notre approche traditionnelle de l’art, dépasser les frontières des genres, des époques ou des cultures et parler à l’imaginaire de chacun ». Cela est en réalité le prétexte de la recherche d’une nouvelle muséographie. Histoire d’un échec…
Au-delà de sa démarche de démocratisation de l’art, qui n’est qu’un prétexte, cette exposition événement est l’aboutissement d’une expérimentation et d’une recherche en muséographie qui occupent les commissaires depuis les années 1990. Faire fi de l’histoire de l’art est devenu le nouveau dada des chercheurs en quête d’expérience, justement dadaïste. On désire désormais privilégier le ressenti et le cheminement à travers les œuvres …. comme dans un énorme supermarché de l’art. On consomme, on trouve beau, on oublie, on passe à une autre oeuvre, on ne prend pas la peine de s’intéresser aux références. L’anhistoricité, supposée être la force de cette exposition, en devient la plus grande faiblesse. L’absence de contextualisation des oeuvres, et le refus des cartels témoigne d’un déni revendiqué de l’histoire de l’art. Sous prétexte de faciliter l’accès à la culture, on dénature l’expérience artistique.
Un supermarché de l’art
La question de la démocratisation n’est donc que de façade, pousser le visiteur à contempler une oeuvre d’art avec son propre niveau de lecture et son ressenti, l’incite-t-il à aller plus loin ? Elle se pose d’autant plus lorsque les références de cartels ne sont que peu accessibles, défilant trop vite sur des iPads placés sur les murs (passons sur le gadget 2.0). La négation de l’histoire de l’art et du regroupement par mouvement laissent place à un rassemblement par analogie. Prend-on le visiteur pour un enfant de moins 5 ans, en pensant que celui ci n’arriverait pas à comprendre une frise chronologique ? Cette démocratisation par le bas est profondément dégradante pour le néophyte et me fait douter sur l’avenir de la scénographie ainsi que la muséographie.
Si cette volonté de repenser la manière dont on expose l’art dans un musée est parfaitement compréhensible et la démarche tout à fait remarquable, les moyens le sont beaucoup moins. Le plus inquiétant est de savoir si la présentation par analogie ne perd finalement pas le visiteur au lieu de l’inciter à pousser la porte d’un musée après avoir visité Carambolages.
Cette expérience déroutante, pour ne pas dire décevante, s’apparente finalement plus à un caprice de quelques chercheurs et commissaires plutôt qu’à une véritable démocratisation de l’art.
Cette exposition réside quelque part entre le cadavre exquis, le cabinet de curiosité et la collection d’amateur que l’on pourrait trouver chez André Breton (dont le mur de son bureau est si justement reconstitué au Centre Georges Pompidou), ou encore Picasso, Ingres, ….. Et c’est justement là où le bat blesse car ces regroupements sont effectués par des avertis, ce qui n’est pas le plus propice à la démocratisation. Les artistes et avertis rassemblent les œuvres par des références puisées dans l’histoire de l’art et en fonction de leur ressenti . Ce qui leur importe c’est l’impact visuel et non sa place dans une chronologie ou un mouvement. On se base sur la sensation qui finalement est l’essence de l’art.
Cette démarche est tout à fait compréhensible dans une collection privée mais a-t-elle sa place au sein d’un musée, qui a une vocation de conservation et de présentation au public ?
Carambolages au Grand Palais est une expérience déroutante, pour ne pas dire décevante ressemblant plus à un caprice de quelques chercheurs et commissaires qu’à une véritable démocratisation de l’art.
- Carambolages au Grand Palais, jusqu’au 4 juillet