DE LA RAGE 

Mettre des écouteurs, sortir les cheveux gras, lancer des regards noirs, choisir un jogging plutôt qu’une robe… Toutes les femmes connaissent ces astuces pour éviter le harcèlement de rue. Et toutes connaissent aussi leur inefficacité. Que reste-t-il alors comme arme ? La rage pure, celle qui vient « couper les langues et les queues »pour en finir, enfin, avec les porcs.

C’est arrivé une fois, deux fois, trois fois, après je n’ai plus compté. 

Mon visage mon cul mes seins ne sont plus les miens.

Mon corps est un garage sans fond.

  SALOPE ! 

          DONNE TON 06 ! 

                                 T’ES BONNE ! 

On ne sait jamais quoi faire pour qu’ils s’arrêtent. Ils crachent des mots sales, avalent les femmes, qui vivent la peur dans les os. 

Ça commence à l’école. Touche-pipi sous la jupe, c’est un jeu, vilaines mains qui tyrannisent, ne pas en faire un drame, surtout. De nos jours, on raconte beaucoup trop pour presque rien, les grands disent: 

BOUCHE TA BOUCHE, PANSEMENTS SUR LE CORPS, ET TU T’HABITUERAS. 

Demain, je mettrai un jean pour pas qu’on me touche.

Ado, c’est les amis du père, sales sur eux, bourrés, yeux vitreux et phrases salaces. Ça regarde dans les soutifs (je me cache de la main). Je me sens crade, moi aussi, parfois plus qu’eux, et je ne sais pas bien pourquoi. C’est peut-être moi qui balise pour rien. Fameuse zone grise, pas assez grave pour en parler. Pourtant réelle la gerbe de voir des vieux baver sur moi. C’est pas beau de grandir avec ces gars autour. Arracher mes organes. Ne plus sentir la honte d’être une fille. Même adulte, je me cache sous des pulls longs.  Je serai polie/gentille/regards baissés/sourire gêné. Je ne montre plus les dents, ça pourrait faire une agression. 

ALLUMEUSE !

Les meufs en décolleté sont des salopes. Si je me fais violer en combi-oversize et bien couvrante,  je n’aurai peut-être pas à me justifier. Le pire, c’est de se sentir coupable apèrs 

Je dois être une bonne fille : bonne à baiser, bonne à détruire, bonne à rien. 

TA CHATTE À BLANC, C’EST BIEN

Maintenant, je ne me cache plus. J’exhibe la faiblesse d’être née dans le mauvais sexe (pour toutes les autres). Je montre mon cul sous mes shorts trop serrés (pour toutes les autres). Je ne change pas de trottoir quand un porc s’y trouve (pour toutes les autres). Je garde la rage dans la gorge. Je sens leur bave qui dégouline, mais je marche les yeux en face (pour toutes celles qui ne peuvent pas).

Je crève sous leurs pupilles dilatées au foutre. Je ne distingue plus les mots. Notre vie est scalpée par la baise forcée, par les mains qui glissent, par les langues qui forcent le passage. La nuit je sors, et ose prendre ce risque que nous courrons sans cesse. 

Je suis une gare. 15 arrêts gluants que j’ai sentis venir, de loin. Je ne crains plus les doigts, les bites, les crachats. Je ne crains pas pour ma vie. Armure intérieure, cavité renforcée par le déni et les black-out. 

Je suis rage au ventre. Vivante. Et nous les forcerons à s’habituer aux corps.  À tous les corps. Que ce soit eux qui se sentent seuls. Leur couper langue et parole. Couper les têtes, les queues et tout ce qui dépasse de leurs idées préconçues. 

La rage au ventre, je vais brûler ces hommes.


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