Julie Salin

Érotiser sa pause déj 

Peinture : © Ada Kafel (@a_felka

La pause déjeuner s’apparente souvent à un sprint. Il faut se dépêcher de choisir, de mettre en bouche et d’avaler. Une pause où l’idée-même de pause se dérobe face à une économie du temps qui la contredit. Un coup rapide. One shot du sandwich jambon-beurre. Aussi est-ce sans doute le pire moment pour se livrer aux caresses. Et si, pour ce Dimanche Rose, avec Julie Salin, on apprenait que le temps, lui aussi, se dilate. 

Entre midi et deux, le vent est fluide, guérisseur improvisé de la maladie rigide ; la maladie Travail Boulot Dodo, on oublie. La culotte est absente. Son retrait nous indique un surplus d’amour, encaissé dimanche. Est-ce vrai ? Oui.

Totalement vrai. 

Les fesses à l’air, c’est la Liberté, sous la jupe-tablier, imprimée égyptien.

Les yeux, comme des tubes en cristal, elle l’avait signalé sur toutes les applis. « TU FAIS CHIER, BARY ! » Il excitait ses blessures, au doigt, et à l’œil. Il lui avait dit, dans la cage d’escalier : “Je veux te garder.” Et chez Baryton, il grandissait comme un sexe télescopique, son nez, pourvoyeur d’étoiles, et tout serait trou, trou, trou – trouduc ? – jusqu’à les remplir comme des cruches. 

« C’est de la drogue, tu vois pas ? » C’était sa réponse à elle.

Milady aimait l’aventure. L’Aventure comme toutes les intimités le sont. L’Aventure, comme tu peux les lire sur les forums BDSM. L’Aventure, celle qui laisse derrière elle une petite musique de chaînettes gloomy, ça te démarre. Car pour vivre l’Aventure, toujours faut-il se libérer, et quand je dis « Faut », c’est faux, il n’y a rien à faire, tout est secret abandon ;

coulures.

Se laver de toutes ses appréhensions pendant des heures, un dimanche… Un dimanche tout simple de sa vie. Crier à l’injustice, dans un déchaînement de bouches et d’ongles grippe-seins. Lundi, Milady avait des airs de clavecin qui lui habitaient les hanches, et Baryton, retourné à sa piaule, ajoutait des points de suspension à toutes ses pensées furtives. 

La peau de sa Milady, il pouvait l’écouter crisser pendant des heures. Examiner les bourrelets de dos, les torsions, les petites peluches… Sa théorie « One life » s’en trouvait déboulonnée, parce que, peut-être qu’elle l’aimait.

Elle avait croqué le fruit juteux du sexe qui répare. Devant lui, sans peur, sans floutage, sans mauvaises sonneries… Qui se donne comme ça ? Qui ?

Qui traverse les forêts les plus scabreuses pour prouver, aux plus sceptiques, que la magie existe ? Il n’aimait pas penser ainsi, mais subir les attaques de ces images pop-porn, qu’ils avaient co-produits, avec lui, de manière tout à fait consentie, toute cette mémoire carambolée contre son âme flashballée, le galvanisait.

« Je vais te prendre le cul », répétait-il, tandis qu’il caressait, de façon presque féminine, le manche de son tournevis. « Je suis un travailleur, moi, un type qui fonce ! Qui y va… Un type qui défonce. »

Le rêve d’amour, dépouillé de toute sa rouille, glissait vers le coin de son œil rajeuni par de nouvelles connexions synaptiques. Baiser avec elle, c’était sa pilule de vie. Il lui avait avoué, dans la cage d’escalier, alors qu’il était en pleine crise abandonnique.

« C’est de la drogue ! Tu vois pas ? » C’était sa réponse à elle.

Est-ce qu’on se répète en amour ?

Oui.

Baryton, en siphonnant sa dame, s’était fait preux chevalier, serviteur loyal… Docteur House ? Les mots « Maîtresse » et « Reine du cul » avaient été prononcés, dans un souffle aux relents de compost. Baryton, l’entre-fesses gris bleuté, comme une CB, faut bien le dire, son cul valait de l’or.

Le cul de Baryton vaut de l’or !

C’est le vortex de l’amour physique… On prend cher, putain. Milady usait de son dark side pour capturer les aubes prophétiques, des adorateurs lui reconnaissaient le don de prescience. Mais il s’agissait seulement d’une capacité terrible à frissonner. Et, qu’elle le veuille ou non, ça se faisait tout seul. 

Mamelonnée selon les vents à l’apprêté désertique. 

Pas besoin de boussole. La bande-son des grandes artères, la vie impulsive accompagnait le clac-clac de ses bottines rouge cerise. 

Baryton et Milady s’étaient rencontrés sur les petites marches de l’entrée d’une maison crottin. Elle avait été charmée par sa voix aux médiums caressants. Elle parlait beaucoup, et, pour une fois, lui, ça ne le dérangeait pas. Sa voix de radio, compagne des insomnies, se cognait aux frontières de… Baryton avait trouvé cette fille angélique, et la promesse douce de la prendre, comme on vole des minutes à la nuit, lui avait dessiné un rictus sur le visage d’ordinaire impassible. 

Reprenons le fil. 

Dimanche, pluie, orage, 11h. Se dire Au revoir, car la guerre gronde. Milady et Baryton, dans leur mensonge espiègle, avaient échafaudé un plan pour pouvoir se pécho encore une fois. Leurs corps devaient se dire au revoir… Leurs corps avaient leurs mots à dire ! Facile, me direz-vous, mais… Pardonnez celles et ceux qui mentent. Iels sont dans l’urgence vitale de retarder la tristesse.

Milady était une férue d’alternatives, Baryton se voulait au service du plaisir de cette femme, qu’il considérait comme une bombe atomique. Pieds veloutés, mains de tortionnaire, dents de louve mythologique, Milady s’était coiffée après avoir enfilé un jean loose et un débardeur de badass. Elle avait lavé sa chair soigneusement. Baryton était arrivé emmitouflé comme une momie. Une momie prise dans un incendie. Capuche noire sur bonnet noir, comme le sont les chevaliers de la street. Leur baiser fut long, sans hésitation, un de ces baisers qui nous fait pencher la tête, d’un côté puis de l’autre, et les nuques dansent comme le cou des oiseaux tropicaux. 

Les pieds glissent sur le sol, comme sur des patins en moumoute, et c’est drôle, toujours un peu ridicule, de se désirer autant. Le déballage se veut lent et rapide. Milady est nue, easy ; le jean sur les chevilles. Baryton tient à rester debout entre deux portes, puisque c’est sa plus grande peur, être terrassé par le dragon qui sommeille en arrière-plan. 

La table ronde voit tout ce qui se passe dans l’appartement, et c’est pas joli joli. D’inclinaisons en inclinaisons, ménestrel de la branlette, acrobate bootyshakeuse, ils finissent au lit. Comme deux roses jetées sur un cercueil par des mains aimantes. 

Pacte secret, ils croient, le bougre et la bougresse, en la Vie après la Mort.

Léchage, séchage, crachats ; toux, râle ; poignées, mains cartomanciennes ; ventre, fesses, oreilles, glotte ; sexe dans sexe, c’est signifiant ! ; langue dans cul ; bouche sur bouche ; torse contre torse ; cuisses sur avant-bras ; tête dans les poils et doigts dans le noir ; la vieille clé connaît le chemin…

Flux et reflux ; pipi, caca, enfance, vieillesse ; toute une vie en un dimanche matin.

Brick à la viande hachée et à la Vache Qui Rit, 2€50.

Milady sent que son aine a joué de la mandoline toute la nuit. Elle marche dans le Panier, quartier connu, et reconnu, pour ses intrigues policières. “Milady Sans Peur !!!”, hurlent une rangée de petites bites aimables. 

Dans le labyrinthe qui sent la pizza, elle se perd, sans vraiment se faire de mouron avec ce genre de considérations géométriques. On recule, on avance, on y revient, on veut s’en échapper, on mise sur son esprit pour finalement s’en arroser le gosier d’un brutal instinct. Le chaos nous invite à défaire les paysages. La première surprise vient de nous, on a de la science dans la poudre d’iris. On s’ouvre comme des pivoines qui pèsent lourd sur le marché du cul. On croit être ci ou ça, et on se retrouve, un dimanche matin, cul par-dessus tête !

Dans un souffle rauque et saltimbanque, on met sur la table, une carte qu’on avait jamais vu, jamais jouée, une carte à l’illustration nouvelle…

Milady Sans Peur !!!

Milady replia son sachet plein d’huile dans la poche de son jean boyfriend ; elle prenait le large, satisfaite du déroulé de l’Histoire. Elle le retrouvera sur le net. Baryton y agit sous le nom de Kagoul13. Milady est Camg1rlPro. Le collier est serré, serti de petits mots vulgos. Dans sa vulve, ça s’annonce comme dans la ville, plein de trafics. 

Trois trous for ever. Ça pourrait faire une chanson.

Les trois trous de la cagoule de Kagoul13. Des yeux, une bouche, milles intentions de résister et de perdre le contrôle. Camg1rlPro fait des ombres douteuses à l’image, elle plonge dans les grands yeux verts alien, cryptés par le plaisir. À la recherche du noir des peintres, source de toutes lumières, sera le titre du film.

Recherche d’airbags pour panser son cerveau. Recherche du châtiment suave, le démembrement régénérateur. 

Milady et Baryton, sous le masque de leurs avatars, se rassembleront dans l’alvéole.


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