Jules Brussel nous plonge dans Dakar, ville fiévreuse où le rêve flirte avec l’abîme. La mer gronde, avale les pêcheurs et crache les enfants rieurs. Ici, le ciel n’a pas la couleur bleue, il est rouge comme les flammes, et le diable, pas loin, qui guette. Un texte poétique et sensoriel.
lectures de feu, espoirs de feu, plus une allumette dans la petite boîte cœur
jour digital, nuit argentique, dehors le corps s’écrie : où est passée ma tristesse ? Le sillon de lumière borde l’eau. Corps courant pas mourant
pas de pensée sans corps, le corps est le sang, la neige fond, le printemps arrive, les fenêtres de la cinémathèque s’illuminent
Dakar est un rêve criminel, la mer divague, les enfants s’oublient, les pêcheurs noyés sont devenus des vagues, les enfants jouent dans les vagues
la chaleur de l’été vrombit dans mon corps comme si j’étais son trajet vers la terre. Effluve de noyau terrestre : rejoindre les ardents ?
tous mes frères s’accordent, c’est le seul moyen de faire éclore une fleur
l’ange S., folie embrasée, son été fait ce qu’il veut de ma peau : un brasier. Mais je ne veux brûler personne : je m’enferme, je m’enterre, je ne vis plus que pour ses apparitions
plus je la vois plus je crois aux anges. Entre ses dents je suis une charogne ou une fleur, je suis mort et je suis vivant. Tout ça oui, tout ça
la nuit seule en veuve louve, terrain vague pour mélancoliques, lune noire sans ciel et sans aurore, lune déjà levée depuis on ne sait quand
extases érotiques, Times Square clignote actionne la chaleur des muscles, mémoire du corps devient mémoire des fluides, mémoire de la langue, péninsule nue du corps de l’ange, la langue clignote, des échos matériels jusque contre ma toison. Toison arrachée, toison aux orpailleurs
le diable guette. Où est la béatitude ? Où est le bleu du ciel ? Bleu de l’enfer, seul bleu, seule trace du shoot
jour du salut, corps au chaos, mort au combat, le programme est limpide. Se Foutre Carrément De Tout
je sors du ventre d’une autre terre. Bye bye mon siècle, bye bye les écrivains, bye bye les autres. Ici bout de soleil, la vie la mort aux éblouis, restent les sauvages. La forêt écrase le siècle : elle en commence un autre, elle en saisit dix d’un coup, elle les jette à la mer, elle rit
bonjour M., vive blondeur d’âme, bonjour lumière d’M.
apôtres venez voir, venez avec toute la béatitude des hautes mers, venez venir venez trahir venez humains, repartez animaux, enfants de l’enfance, enfants zéros, enfants 0
j’étais sans reine et sans oiseaux
j’ai retrouvé mon royaume, j’écoute le grand lièvre, je galope à côté de lui, il m’a confié la béatitude dans sa langue, elle lape l’eau à mon oreille
je pense à mon ami disparu, à mon grand-père disparu, aux baisers à venir. Je pleure de joie, enfants 0, Eustache, mon frère et tous les autres frères, venez, traversez la forêt, venez sur le rivage, venez perdre pieds, venez pile là entre la lumière et la mer, glissez-vous entre les deux, oui là, juste
exactement
là
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