Illustration : Jindřich Štyrský, Emilie vient à moi dans mon rêve, 1933
La joie de retirer son costume. La joie de descendre les marches et pénétrer sous terre. Là-bas, on ne trouve pas que des créatures sordides. Mais bien des êtres amoureux de l’étreinte. Pour ce Dimanche Rose, sortez vos k-ways avec Isabelle Goncalves. Atmosphère 100 % fiévreuse. Surtout, n’oubliez pas que dans le noir, aussi, il faut lever la main pour trouver partenaire à son poing.
En voile de coton, une femme marche. Ondulant de la croupe, ostensiblement, elle avance. Elle ondule, et le sait. Elle prend plaisir à ça. Ses jambes, imitant ce qu’elle croit être la démarche des défilés, croisent et décroisent au gré du gros pavage gris du sol. Accentuant le balancement, les hanches dansantes, elle prend plaisir à chalouper ; sourire aux lèvres, elle est seule. Elle pense à elle. Ses talons bobines glissent en silence sous les arcades sombres de la place carrée et rose. Au centre des carreaux de gazon, au croisement, la statue équestre, le royal cavalier, majestueusement vêtu à l’antique. Le cheval lui donne envie de l’avoir entre ses cuisses, vivant, jambes nues, à même le sexe et le crin, et l’odeur de la bête. Elle inspire, sent l’écurie, les corps vibrants des chevaux, la paille et le soin, bouchonner, le geste qui essuie la sueur animale. Ses mains remontent sa robe sur ses cuisses. Ce pourrait être le vent.
Au détour d’une colonne, comme enroulée, une femme bouge. Sans qu’elle ait perçu sa présence, une madone apparaît. Vêtue de résille rouge, rousse, que la lune éclaire.
Que se disent-elles ?
Elle s’approche de cette créature, indolente adossée, la trouve tentatrice, belle. La proximité s’accroît. Elle voit le contour de ses seins, les pointes roses et tendues, charnelles, qui dépassent la dentelle rouge. La peau sous le vêtement ondoie. Elle s’approche encore, frôle ses cheveux, bizarrement rêches, et la respire. Une odeur douceâtre qui lui déplaît d’abord. Mais le rouge l’excite. Elle veut saisir et consommer. Ici, immédiatement. Hic et nunc, pense-t-elle. Elle ouvre la bouche, tend son cou mais la femme se détourne et elle rate.
L’apparition tend la main vers elle au niveau du sexe, se pose sur le tissu, en coquille, entoure le sexe de ses doigts, réchauffe, remonte le vêtement avec lenteur, descend doucement la culotte, effleure les poils, glisse sur sa fente, fouille, caresse, attend qu’elle mouille et pénètre. Un doigt qu’elle fait aller lentement, deux, puis trois. La tête posée dans le cou de son ange, elle halète : trois c’est déjà trop. Elle pose sa main sur le poignet, qui ne bouge plus, crie. A quatre, la cavalcade commence et elle se fait salement baiser, fortement prendre… Elle coule, mordant sa partenaire et ne réfléchit plus. Son sexe la guide. Mais le pouce se plie, se courbe et la main avance, rampe en elle, animée. La douceur vient. Elle ne tient plus et regarde les interstices de peau sur sa compagne, l’agrippe. La lune, les lampadaires, l’éclairent. Elle est belle. Sa pupille est dilatée, son air sérieux oscille avec un sourire quand le mouvement arrache un cri à la pénétrée consentante. Sa main entière est à l’intérieur, son poignet est passé, l’inconnue progresse maintenant, maniant sa proie. Son autre main lui tord les pointes de sein. Fort. Elle aime. Ne pas cesser de gémir. Elle s’entend sans se comprendre. La sensation est trop forte. Elle crie.
Une fois la main amie retirée, bavant de ses quadruples lèvres, ses deux orifices du haut et du bas mouillés, béants encore, elle avait lorgné la résille rouge qui s’éloignait tournoyant, les fesses blanches se dessinaient, les talons claquaient, la semelle rouge d’un sang de bœuf Louis quatorzième rompait la nuit. Un aimable éléphant, passant là par hasard et bien arrangeant, disposé à rendre service, prêta sa trompe de bonne grâce. L’organe la colla alors à la colonne, la retint en douceur, et elle toucha la pierre de son ventre. L’éléphant lui releva et, avec gentillesse, lui attacha sa robe, ainsi troussée, à la taille. La bouche de cet appendice animal se colla au sexe et aspira. Elle cria de nouveau quand son clitoris, déjà épanoui et gros, se trouva comme avalé. Puis l’éléphant, malicieux, souffla. Cracha. Aspergea. La colonne soutenait le corps féminin plaqué et travaillé avec une dextérité rarement égalée. Ayant respiré son sexe, la trompe sinueusement s’insinua. La femme dans un équilibre extatique retint son souffle. L’excroissance buccale, comme un membre de chair souple, pénétrait, pénétrait. Ça n’en finissait pas. Dieu que c’était long ! L’organe vivant, respirant, soufflant, humant, bougeant, progressait linéairement dans son sexe, tournant, retournant puis en demi-spirale poussant à l’intérieur de son corps. Le côté lisse, légèrement grumeleux de la peau tannée l’écorchait légèrement, lui provoquant d’aimables secousses. Elle entourait maintenant la colonne de ses bras, cambrée, renversée, en pleine saillie animale. Sa bouche restait ouverte, la sueur glissait le long de son visage, de son dos, de ses seins, écrasés, et que râpait favorablement la pierre.
Son vagin envahi ne lui appartenait plus. Le serpent tournoyait. Mieux qu’un amical appendice humain, le caoutchouc de ce gode de (bonne) fortune s’enflait, dégonflait, tournoyait, écartait, approfondissait, se retirait et revenait. Tout à coup, il se rassembla, une boule se forma. Qui montait et descendait tel un poing serré. Un poing de bonne taille, eut-elle le temps de réaliser avant de décoller. L’animal avait disparu. Elle haletait et ne pensait à rien : la sensation était trop forte, là encore.
Qu’avait-elle vécu de mieux ?
L’éléphant disparut mais un homme, de taille moyenne, plus bas qu’elle, se matérialisa là. Elle s’aperçut, fesses toujours tendues, exposées, qu’il tenait en sa main droite un drôle d’engin. Elle identifia approximativement un démonte-pneus, bizarrement surmonté d’une poire. Elle n’eut pas le temps de réfléchir à son usage. Il s’approcha d’elle, elle remarqua qu’il ne sentait rien, n’avait aucune odeur, il la courba davantage, elle creusa son dos, il l’abaissa à hauteur de sa main. L’objet entra en elle. L’homme sans expression, anodin, lambda, se mit à tourner. À chaque tour de manivelle la poire enflait, l’emplissait, écartait les parois de son sexe puis explosait, ce qui la faisait simultanément et sursauter et crier. Tel Sisyphe, inarrêtable, l’homme regonflait. Elle avait l’impression d’être merveilleusement forée par un bûcheron, à ceci près que les « han » venaient de sa gorge à elle. Elle se retourna, le manieur avait changé, le petit homme envolé, une gravure de mode, musculeuse et huilée, l’avait remplacé. Elle eut envie de ses biceps, triceps, quadriceps… elle ne savait plus. Il lui fallait revoir la géographie des muscles. Elle saisit le bras, caressa la cuisse, empauma la fesse, tout était dur. Le pantalon de l’homme, serré, gonflait, palpitait.
Tout à coup le bruit de la pompe qui alimentait son sexe cessa. Le ravage-vagin avait disparu. Mais elle sentit de nouveau la trompe l’explorer et se coller à elle. Quelque chose de neuf se passait. Elle regarda en bas. La trompe y pendait. S’était greffé un phallus ambulant.
Qu’est-ce que cela fait d’avoir un pénis ? Pénétrer ? Entrer ? Forer ?
Elle rêva de résille. Un éphèbe arrivait. Son harnais lui remontait le cul, son cockring irriguait sa queue. Elle lança sa trompe, désormais arrimée à son corps et, délicatement l’attira. Il lui sourit, il était beau. Complaisamment il se retourna. Elle le recourba et s’en empara. Aussi doucement qu’elle aimait l’être. L’avantage de cette trompe, qu’elle ressentait comme si elle lui avait toujours appartenu, était sa plasticité, sa mobilité, son caractère extensible et rétractable. Il apprécia. Elle aussi. Elle prit son temps, dégusta la pénétration, sensation nouvelle, non plus être possédée mais posséder, non pas user d’un subterfuge plastique pour prendre l’autre mais sentir, avec une partie d’elle. Elle se retira, revint, joua avec les abords de l’orifice. Le défonça. Elle sentit qu’il allait jouir, le renversa vers elle pour qu’il éclate sur son ventre à elle. Elle aimait ça. Le pénis éléphantin, à son tour, se tendit, se raidit (elle ressentit une grande tension à l’intérieur de son corps) et cracha son foutre, arrosant le visage offert. Elle se sentit délestée. C’est donc ça avoir des couilles ? Il resta maculé devant elle et elle en fut satisfaite. La trompe se retira. L’homme ne fut plus là.
Allait-elle alors pouvoir répondre à la question du dieu ? Celle posée à Tirésias ?
L’aveugle divin et devin, doublement humain dans sa peau d’homme puis de femme, puni pour avoir, de son long bâton, dérangé un accouplement serpentin, fut sommé par Zeus en personne, pour trancher une conjugale querelle avec l’irascible Héra, de dire, qui, de la femme ou de l’homme, avait le plus de plaisir, ressentait le plus de jouissance, était le plus près des dieux.
A son tour à elle de parler.
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