Emma Gardner

Toutes les larmes

L’écriture peut-elle apaiser la douleur d’un deuil ? Elle permet en tout cas de ressusciter la figure disparue, celle qui n’existait « pour presque personne », mais qui était tout pour la narratrice. Un texte émouvant d’Emma Gardner sur la force d’une relation, vivante encore, même après la mort.

Je ne saurais dire si tu me manques plus que je n’ai mal, ou si j’ai plus mal que tu ne me manques.

Ce que je sais parfaitement, c’est l’intensité de la douleur au creux de ma poitrine et le falot intarissable de larmes qui coule dans ma gorge à chaque instant.

Papa disait toujours : « la vie est injuste ».

Il avait raison. La vie ne t’a pas épargnée. Un jour tu souffrais, l’autre tu me sauvais.

Tu m’as sortie de la maladie. Oui, j’ose le dire ! Une maladie dont les mots sont si laids, psychiatrie, anorexie, suicide.  J’aurais aimé, moi aussi, pouvoir romancer ce passage de ma vie. Faire comme si ce n’était qu’une crise d’adolescence. Ne pas avoir eu si peur.  

Je me fiche des règles de la prose. Notre histoire est trop tragique pour s’en accommoder. Notre histoire était si belle. Tu avais souffert, j’avais souffert. Se rencontrer, c’était renaître. Nous étions enfin heureuses. Chaque mot que tu glissais sur mon mal avait l’effet d’une pommade, il résonnait en moi comme une leçon. Et chacun de ceux que je glissais sur les tiens étaient pour toi douceur et soulagement.

Et puis un jour, tu es partie.

Ça a été le silence, jusqu’autour de ta tombe, car tu n’existais pour presque personne. Pour ce monde tu n’étais rien, mais pour moi tu étais tout.

Depuis que tu es partie, je prie pour que ton cœur, enfin, ait trouvé sa paix, et que tes yeux resplendissent de la lueur qu’ils portaient autrefois, il y a très longtemps.

Je ne sais pas si mon

chagrin aura une fin ?

Je ne sais pas quoi faire de toute cette peine.

Je ne sais pas si je dois te rejoindre pour que mon deuil prenne fin.

Pour le moment, j’essaie d’être celle que tu aurais aimé que je sois, j’essaie de préserver le sens de tes paroles, le souvenir de ce que tu m’as appris.

Je ne sais pas si toutes les larmes peuvent sécher.  


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