L’érotisme entretient une très longue histoire d’amour avec la cuisine. C’est vrai : qui n’a jamais joui d’un simple chocolat qui fond ? C’est le plaisir, ici, qui travaille le désir avec ses mille ingrédients, et vous remue de l’intérieur.
Pour ce Dimanche Rose, Fiona Marazano nous glisse dans son assiette. À table !
C’est venu d’en bas, d’abord. Par les jambes.
Non, pas les jambes : les cuisses.
Chaud, rapide. Et puis le bassin. L’antre et le reste, ça s’est répandu partout. Comme les cendres du macchabée dans l’océan. J’étais disloquée. Il fallait me finir.
Il a fait ça avec les doigts d’abord.
Fourré au fond pour s’imprégner. Friper sa pulpe pour la rendre molle.
Et ma viande qui mijote, ébullition, 90°C.
Je suis cuite. La chair visqueuse s’empare de lui.
On est gras et on continue. Les doigts deviennent peu. Je crève de soif.
Bientôt, je veux me remplir ou qu’il le fasse. Je le saisis comme un trophée. Lourd et précieux dans la main, statuette de bronze sur la cheminée. Je cherche l’entrée. Il meugle et je la trouve.
Garnie comme une dinde ou à peu près. Un chapon. La volaille qu’on ne convie que pour les grandes occasions. Qu’on prépare avec soin, les aromates, le poignet dans le fond, les tripes, tout au bout.
Il s’est emparé de moi. Ma peau vivante sous les doigts, alvéoles grouillantes et les crépitements du feu. On allait exploser. Mourir et s’asphyxier. Liquide de la chaleur qui tambourine. Boum boum. Dans la gorge. Boum boum. Vers le bas.
Quelle heure est-il ? J’entends les gyrophares. Sirènes près des lobes, il parle une langue inconnue. Je ne le comprends plus. Je suis un corps et il est corps aussi. Anonyme bouillonnant, la bête devient belle et nous allons nous trouver. Quelque part vers le milieu, vers le seuil, là-bas.
Je suis morceaux du monde. Ma chair est finie. À péremption, vite, le mets a servi.
Il lèche la fourchette vide, repu. Et moi frêle et collante. Je me suis endormie.
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