La rédaction de Zone Critique a eu l’occasion d’échanger avec un certain T. Gautier qui nous a confié ce travail préliminaire à La Peur du Mal, recueil de poèmes malheureusement demeuré inachevé. Nous vous les livrons donc en exclusivité, et tenons à préciser aux esprits chagrins et crédules que ce n’est peut-être pas Baudelaire lui-même qui a écrit ces vers.
Sonnet morbide
Du joli mois de mars les boutons empestés
À peine étaient éclos, nous étions clôturés.
Enfin la vérité froide se révéla
La mort rôdait partout en reine de Saba
Paris s’était vidée de ses bourgeois bohèmes
Ne restaient dans les rues que quelques cancrelats
Ou le pauvre ouvrier, la caissière au teint blême
Tous ceux qui n’ont pas fui sont ceux qu’on ne voit pas.
Les délaissées ont mis l’hôpital au supplice
Et les agonisants dans le fond des hospices
Poussaient leur dernier râle en hoquets inégaux.
Tandis que bien au chaud dans leurs fastes demeures
Les bourgeois s’inquiétaient, hantés par le tombeau
Et l’Obscur Ennemi enivrait tous les cœurs
Supplique à la Maladie
La rue silencieuse à mes yeux se taisait
À travers la cité déserte et désolée
Je traînais mon esprit en ce monde ennuyé
Ruminant le désir de commettre un forfait
Pour égayer l’ennui de ce temps moribond
Je voudrais attraper la Mort, la Maladie
À quoi bon continuer à survivre à la Vie ?
Je voudrais la Couronne et l’ultime poison.
Et quand j’ai inspiré, le mal dans ma poitrine
Descendit, infernal, en un sombre soupir
Et prépara mon corps aux douceurs de la ruine
Gloire et louange à toi, ô puissant Corona
Toi qui mets dans les cœurs l’effroi et le plaisir
Toi qui guéris nos corps de la peur du trépas
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