Théo Hareng

Théo Hareng : Voyage en terre écolo

Carnet de bord tout en positivité, le premier livre de Théo Hareng se lit comme on prendrait des nouvelles d’un•e ami•e en voyage. 6 300 km en stop, quelques galères et belles découvertes plus tard, en résulte un petit livre jaune, publié aux éditions Terre Vivante, plein de fraîcheur et d’optimisme sur les pérégrinations d’un jeune homme en quête de sens. C’est presque trop court mais qu’importe, le deuxième tome arrive bientôt.

En juin 2021, Théo vient de finir sa licence de biologie. Et comme de nombreux jeunes, il se pose des questions sur l’avenir, l’état de la planète, l’impasse que représente le système dans lequel nous nous trouvons d’un point de vue environnemental et social, et les solutions pour en sortir. Alors pour répondre à ses questions et en apprendre davantage sur les initiatives qui existent d’ores et déjà, il décide de partir à la découverte de lieux alternatifs et innovants, de fermes participatives et de zones libres occupées, bref, « d’écolieux » sous toutes leurs formes. 
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La révolution en 15 étapes :

L’auteur nous amène avec lui dans son périple qui traverse la France depuis l’ouest jusqu’au nord en quinze étapes et des dizaines de rencontres. Au départ des Deux-Sèvres et de la tour d’Auzay, nous voilà à traverser villes et campagnes à la recherche d’initiatives personnelles et collectives pour changer notre rapport au vivant. À travers les récits de Théo, on croise la route d’une association de distribution alimentaire à Angers, on discute avec un couple de retraités rénovant une vieille bâtisse pour la rendre plus durable puis avec des agriculteurs travaillant en permaculture, on participe ensuite à l’élaboration de pancartes pour une manifestation avec des étudiant•e•s Lillois•es, le tout dans un entremêlement de petites anecdotes à la fois drôles ou cocasses. 

« Une distance de 350 km en stop m’attend pour joindre le centre de la Bretagne. En chemin, je passe par Nantes, non loin de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame des Landes. Je me rappelle l’immense combat militant pour préserver la vie de cet endroit, tel que décrit par Alessandro Pignocchi dans La recomposition des mondes. J’aurais aimé voir où cela en est aujourd’hui ! Cependant j’ai fait d’autres choix, je continue ma route. »

À l’instar d’un journal qu’il écrirait pour lui-même, l’auteur nous parle au fur et à mesure des semaines non seulement de ses rencontres et de notions techniques qu’il apprend sur le terrain (on peut découvrir dans cet ouvrage le principe des habitats en terre-paille, les différentes caractéristiques de matériaux biosourcés…) mais aussi de l’organisation concrète de ses journées, entre cuisine, travail agricole et fabrication de yourtes. Il nous décrit son quotidien dans sa plus simple réalité ; de l’heure de son réveil à sa fatigue physique, des menus à la planification de ses différents trajets entre les lieux qu’il visitera, le tout largement accompagné de photos illustrant son propos et de nombreux graphiques et schémas signés Yann Le Bec.

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Une pensée mesurée, un bilan positif :

Écolieux : La Fabrique de l’avenir est un livre profondément optimiste. Citadin•e à la recherche de moyens ou d’associations pour apporter son aide, militant•e écologiste d’ores et déjà engagé•e, ou simple curieux•euse de modes de vies plus ou moins alternatifs, chacun•e trouvera dans ce livre au style léger un lieu ou une action qui lui parlera. Ce petit carnet de bord n’en est pas pour autant utopiste. Et si l’auteur donne à son livre un fond positif et tourné vers de belles perspectives d’avenir, il n’omet pas de mentionner aussi ce qui peut dysfonctionner. Qu’il s’agisse de sa propre expérience, de l’organisation de son périple ou des problématiques des lieux dans lesquels il se rend, Théo Hareng – dont le portrait en auto-stoppeur est affiché à la fin de l’ouvrage – documente aussi en toute honnêteté les petites déceptions de ce voyage. Celles qui sont propres à son parcours, l’attente pour trouver une voiture qui l’accepte, l’agriculteur peu tourné vers l’échange, les difficultés d’adaptation à un nouvel endroit ou encore le triste constat d’un lieu qui ne répond en fait pas aux attentes qu’en avait l’auteur. L’un des chapitres est notamment consacré à une expérience de woofing (définit comme une expérience de travail dans une ferme biologique en échange du gîte et du couvert) peu concluante auprès d’un agriculteur surchargé et peu affable dont l’exploitation semble à la dérive. L’aide de Théo est accueillie avec méfiance voire refusée, toute tentative de communication est vouée à l’échec. 

« Intérieurement c’est un peu plus complexe. Les moments avec le collectif étaient intéressants, mais épuisants. […] Je me suis replié sur moi-même. Peut-être était-ce une overdose de découvertes et de rencontres ? Je vais trop vite. Il faut ralentir. »

Et c’est aussi ce que veut montrer l’auteur dans son livre ; au delà de sa propre expérience toutes les tentatives d’existences alternatives ne sont pas forcément fructueuses. Les éléments nécessaires au bon déroulement d’un projet sont nombreux et il suffit que l’un d’eux manque pour que tout dysfonctionne. On suit par exemple des colocataires pour lesquels la vie en communauté n’est pas évidente (expérience de colocation qui prendra fin quelque temps plus tard apprenons-nous dans le livre) ou encore des habitant•e•s de l’écodomaine du Bois du Barde contraint•e•s de faire des concessions sur leur habitat écologique pour des raisons économiques. En bref, la complexité de la réalité économique, matérielle et humaine n’y est jamais cachée à des fins utopistes. Chaque embûche rencontrée par l’auteur est au contraire un moyen de rebondir vers de nouvelles perspectives et on referme finalement ce livre avec l’envie de se retrousser les manches et de sortir son sac à dos. 

  • Théo Hareng, Écolieux : la fabrique de l’avenir, Éditions Terre vivante, 2024.
  • Crédits photo : ©Photo NR Philippe Ridou.

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