La littérature entretient avec le réel un rapport ambigu. Par temps de crise, sentant sous nos pieds le sol qui tremble, devant la lacération, la fragmentation, deux choix s’offrent à nous : continuer la petite entreprise littéraire, ou interroger, inquiéter le réel, le pulvériser. Cette semaine, nous avons invité autrices et auteurs à faire ce second choix.
Toute une vie à investir et pourtant : le manque de sincérité, d’inventivité , de communion sincère dans nos relations avec les autres, parfois même dans une vie, la totale absence de beauté. Dans un poème hautement sensible l’autrice et poétesse Hortense Raynal nous invite à renouer avec l’imagination et surtout à repenser notre humanité.
Les chiens sont les êtres plus vivants du foyer.
On souhaite une forme de vie sincère
en forme de nous, en forme d’eux, en forme d’elles
pas une forme de vie convenable et sans inventivité
qui ne donne pas de jus ni de beau
qui donne des corps sans feux et des cœurs faux
des corps comme endormis, des cœurs comme assoupis
des gens qui dorment tout le jour en plus de dormir la nuit
des gens aux volets sont toujours fermés
des familles entières qui vivent sans rêves
et dont les chiens sont les êtres plus vivants du foyer.
Il est des églises moins froides que leurs paroles,
et leurs visages ne tressautent jamais d’un éclat
de folie ou d’un accès d’amour vrai.
Ils ont une bouche mais peu de mots.
le mot « imagination », ils ne le prononcent jamais.
© Heinui Pourra
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