Raphaëlle Red : la quête de l’origine

Avec Adikou, Grasset, 2023, Raphaëlle Red, toute jeune autrice de 26 ans, signe son premier roman. Adikou, c’est l’histoire d’un voyage sur la terre des ancêtres, à la poursuite d’un père qu’on n’a jamais pu connaître. C’est l’histoire d’un voyage qui ne se finit pas, car au fond le but est de savoir qui on est.

Adikou est métisse et la souffrance de ne savoir d’où elle vient la dévore peu à peu. Par un matin chaud d’été, Adikou décide qu’il est temps de partir et emmène avec elle la narratrice sur les traces de son père. Elles quittent la France pour rejoindre Lomé au Togo où elles errent à la poursuite d’un nom que les gens ne veulent pas entendre. Elles finissent par rencontrer des proches et de la famille, mais Adikou ne guérit pas pour autant de son mal. 

Une écriture à la fois précise et floue

Le point de départ c’est la narratrice elle-même et son oisiveté au cœur de l’été : « J’étais enfoncée dans le creux du canapé à boire du cidre quand elle a appelé. » « Elle », c’est Adikou, que l’on découvre quelques lignes plus loin. « Elle avait besoin d’une raconteuse et moi, j’aimais déjà les histoires. » Alors elle raconte, tantôt à la première personne, tantôt à la troisième pour parler d’Adikou ; elle raconte ce qu’elles voient, entendent, ce que leurs corps ressentent, au moyen de phrases qui se suivent presque toutes, égales les unes aux autres et qui forment comme des impressions précises mais jamais liées les unes aux autres. Les phrases se suivent et dessinent un réel qu’on pourrait dire haché et qu’on peine à se représenter : « De retour sur la place centrale, ils se sont assis sur les mêmes chaises en plastique de la buvette entre-temps empilées deux à deux. Ils ont attendu que des motos reviennent pour les amener à l’auberge la plus proche. Quand elles sont arrivées, le facilitateur a dit au revoir, puis serré la main du professeur. »

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Une énigme jamais résolue

Le rêve, le cauchemar et le délire finissent par se confondre avec les différents récits.

Le livre se lit plutôt bien, on en tourne facilement les pages parce qu’on veut comprendre nous aussi qui est ce père dont on parle tant, et quel est le crime qu’il a commis pour que son nom même soit banni des bouches. On veut savoir aussi qui est cette Adikou qui souffre tant, comme le dit la narratrice. On veut savoir quelle est, au juste, cette quête qui fait se déplacer deux jeunes femmes si loin de la France où elles sont nées. Et le roman progresse en fait sans progresser. « On tourne en rond » comme le dit Adikou, « on tourne en rond » répète la narratrice.

Le père, elle ne le connaît pas tellement mieux à la fin qu’au début. Adikou et la narratrice, qui se ressemblent finalement beaucoup, restent des étrangères (on peut trouver des lointaines similitudes avec l’écriture blanche d’un Camus) pour le lecteur, même à la fin des quelques deux cents pages de roman. Le livre donne en détails ce qu’elles voient et entendent mais aucune personnalité nette ne se dégage vraiment des personnages si ce n’est une vague folie. Le rêve, le cauchemar et le délire finissent par se confondre avec les différents récits. Il semble que tout se mêle et s’entremêle jusqu’à se perdre dans la tête des personnages : « It all made her cry. À New York c’étaient les neiges grises, les carrelages à fleurs et l’herbe qui fond, là les pieds de baignoire en pattes de lion fatigué. Je l’ai étreinte solennellement, comme du cristal, ou une bête en colère. » Adikou engagée à la poursuite de fantômes en est peut-être déjà un.

En somme, on peut dire que le style a un peu manqué tout au long de cette lecture. L’écriture est très souvent plate et sans relief : la ponctuation est minimaliste et aucun sentiment ne ressort, si bien qu’il nous est impossible de cerner la personnalité des deux protagonistes et par conséquent de nous identifier à elles. Il peut s’agir d’un parti pris de l’auteure : peut-être n’a-t-elle au fond pas voulu écrire un roman mais plutôt faire la restitution d’un combat… un combat pour trouver ses racines, un combat contre le racisme, un combat pour l’inclusion. Au fond, peu importe qui est Adikou ; il s’agit plutôt de raconter sa douleur.

  • Raphaëlle Red, Adikou, Grasset, 2023.
  • Crédit photo : © Adeline Rapon

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