Taïwan in Avignon 2023

Tous les ans, les arts vivants taïwanais fleurissent au Festival Off d’Avignon – avec le soutien du Centre Culturel de Taïwan à Paris et du ministère de la Culture de Taïwan. Danse contemporaine, théâtre, cirque : tout autant de disciplines explorées depuis des années à l’occasion d’un des plus grands festivals au monde. Après le grand succès de Birdy (lire notre critique), Zone Critique revient aujourd’hui sur la très belle programmation de Taïwan in Avignon Off 2023 – avec ses trois autres créations : Flow, Sakero et Circus as Folks. C’est parti !

Un voyage hors du temps : Flow

“Quand j’ai été invitée à travailler avec la compagnie, en Septembre 2021, il y avait un grand débat à Hsinchu pour savoir si la ville et la région devaient fusionner”

Toujours au Théâtre de la Condition des Soies – et jusqu’au 29 Juillet, à 13H25 – le Lei Dance Theater se produit pour la première fois avec Flow ! Le travail de danse contemporaine débute en 2021, suite à l’invitation à Hsinchu des chorégraphes LIU I-Ling et LIN Ting-Syu : « Quand j’ai été invitée à travailler avec la compagnie, en Septembre 2021, il y avait un grand débat à Hsinchu pour savoir si la ville et la région devaient fusionner. Chacune des deux entités avaient posé ses conditions à une telle fusion. C’est de là qu’est née cette création » [LIU I-Ling]. En fait, Flow est le fruit de l’union de deux volets : « … and, or… » – de LIU I-Ling – puis : « The Subsiding World » – de LIN Ting-Syu. Véritable travail de terrain et d’observation sur les liens qui se tissent entre les individus, leur ville et leur société, Flow interroge plus globalement notre rapport à l’autre dans un monde qui avance de plus en plus vite

(©) HUANG Ren-Nan

Le premier volet « … and, or… », propose un très beau duo. En silence, les corps se croisent et se sondent. LIU I-Ling évoque l’idée d’un puzzle qui s’assemble sous nos yeux. Les gestes se répètent, et le public assiste à une ronde fascinante où les danseurs se cherchent en rythme. Comme un affrontement muet, «…and, or… » questionne la nature du mouvement, l’espace d’un très bel instant. Le deuxième volet « The Subsiding World », nous plonge dans un univers musical fort, au creux de l’espace-temps qu’est la nuit. Le chorégraphe, LIN Ting-Syu – directeur artistique de la compagnie Autumn Cedar Sóo-Tsāi – nous invite dans les profondeurs et les remous de nos émotions. On pense notamment à ce très beau moment de portée, où les corps s’élancent dans l’air : majestueux. Puis, c’est le groupe qui quitte progressivement le plateau. Un des danseurs reste, et tente de formuler un Au Revoir avec sa main. Mais aucun son ne sort : juste une main qui se contorsionne devant son visage, avant que le groupe ne reparte doucement.

La fusion de ces deux tableaux – où se croisent le silence et le son, la solitude et le nombre – est très belle. Ils nous invitent à repenser notre rapport complexe au temps. Comment appréhender le flux de l’information ? Et quelle est la place du corps ? En l’espace d’une petite heure, le public s’octroie la magie d’un temps suspendu. Créé en 2017 par WANG Yu-Ching, Le Lei Dance Theater, propose depuis des années une ligne artistique expérimentale, qui résonne avec l’histoire, la culture et l’environnement de Taïwan. Le public pourra les retrouver encore toute la semaine prochaine – relâche le Mardi 25 Juillet – alors : on s’y voit une dernière fois ?

La naissance du mouvement : Sakero

La programmation se poursuit avec Sakero – à 16H35 – toujours dans la très belle salle ronde du Théâtre de la Condition des Soies. Déjà présent en 2019 au Festival, CHUANG Kuo-Shin nous invite cette fois-ci à découvrir ses racines. Membre de la communauté aborigène des Tafalong – un groupe ethnique appartenant au peuple Pangcah – le directeur artistique et chorégraphe de la compagnie Kuo-Shin Chuang Pangcah Dance-Theater – fondée en 2005 – souhaite revenir aux origines du mouvement.

(©) Lin Chun-Yung 

Les danseurs nous rappellent la puissance collective que recèle la danse : sa force rituelle, son énergie créatrice

Sakero : c’est le terme le plus approprié en pangcah pour traduire le concept qu’est la danse. Pendant quarante minutes, le chorégraphe nous invite à réfléchir aux significations – notamment rituelles – que celle-ci comporte. Dans l’espace, une grande perche en bambou – utilisée durant la fête des moissons : l’ilisin – est portée par les danseurs. CHUANG Kuo-Shin explique en ces termes : « elle symbolise par exemple le fait qu’il ne faut en aucun cas laisser entrer de mauvais esprit dans le cercle pendant la cérémonie. C’est aussi un symbole de pouvoir ». Si de prime abord, elle entrave les mouvements et encombre l’espace, elle devient le symbole d’un lien particulièrement fort. Et c’est d’ailleurs toute l’énergie qui se dégage de Sakero. Les danseurs nous rappellent la puissance collective que recèle la danse : sa force rituelle, son énergie créatrice.

Développé en 2019 lors d’une résidence à Danse Base, Sakero combine les pratiques contemporaines des peuples autochtones de Taïwan à celles de danseurs écossais. Le public pourra retrouver cette très belle création jusqu’au 29 Juillet – relâche également le Mardi 25. Zone Critique adore, et recommande chaudement.

Des gens comme tout le monde : Circus as Folks

Pour cette dernière création, Zone Critique quitte les murs du Théâtre de la Condition des Soies pour rejoindre ceux du Rouge Gorge, place de l’Amirande. Le public pourra retrouver durant cette dernière semaine de Festival Circus as Folks, à 22H50, de la compagnie FOCA (Formosa Circus Art). Présente aussi en 2017 et en 2013, la FOCA redouble en créativité. Créée en 2011, elle est la première compagnie de troupe de cirque taïwanais à tourner à l’international. 2023 voit également émerger le premier festival consacré au cirque à Taïwan : le FOCASA Circus Festival.

(©) Ken Wang

CHEN Kuan-Ting, explique : “J’ai cherché à révéler la dimension ludique du cirque”.

Dans cette création, on oublie les animaux, ou les « grands numéros de cirque », comme on pourrait les entendre. Ici, les spectateur.ices sont plongé.es dans un univers très simple, empreint de poésie et de tendresse. On pense par exemple à une très belle scène, où l’un des artistes danse avec son costume de cirque. On retrouve aussi des moments où ils ratent – pour ainsi dire – leur numéro de jonglage, l’air un peu perdu. Le metteur en scène, CHEN Kuan-Ting, explique : « J’ai cherché à révéler la dimension ludique du cirque. Dans ce spectacle, je ne voulais pas que les artistes restent enfermés dans un rôle de performeurs enchaînant les numéros, mais qu’ils aient l’air le plus naturel possible, avec un côté imprévisible ». Alors, il y a une très belle communication avec le public : on les voit grimper sur les chaises, tomber, voler de la nourriture dans les sacs des spectateur.ices, escalader les murs du théâtre. On les suit complètement, on rit, on s’émeut. C’est très simple : quatre circassiens qui partagent leurs vécus de la scène. Bien sûr, le public retrouve le jonglage et la danse acrobatique ; mais à la fin, c’est surtout un espace consacré aux émotions qui s’ouvre. On y parle de travail, de partage, de solidarité : c’est un gros coup de cœur au Rouge Gorge !

Le public pourra les retrouver jusqu’au 29 Juillet – relâche ce Mercredi 26 prochain. Une création pour les petit.es et les grand.es ! Et pour le cirque à Avignon, on n’oublie pas de faire un tour ici aussi dans les prochains jours : https://zonecritiq1prd.wpenginepowered.com/author/emilyade/

A une semaine de la fin du festival, Zone Critique recommande donc chaudement de faire un tour au Théâtre de la Condition des Soies, et au Rouge Gorge ! On retrouve le programme officiel de Taïwan in Avignon 2023 juste ici : https://twavignon.culture.tw/, et on souhaite à tous.tes une très belle fin d’aventure à Avignon, pour le festival.

A très vite !

Crédit photo : © CHEN Chang-Chih


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