Erwan Barillot : Quand Mark Zuckerberg rencontre Teilhard de Chardin

Avec Moi, Omega paru en septembre 2022 aux éditions Bouquins, Erwan Barillot signe un premier roman sous le signe de la biofiction dystopique. Un livre plaisant et engagé qui tourne en dérision les patrons démiurges de la Silicon Valley. 

Moi, Omega se présente comme une dystopie mais se rapproche en réalité davantage de l’uchronie biographique. Le lecteur fait connaissance avec le protagoniste Ian Ginsberg qui se révèle rapidement être le double littéraire de l’illustre Marck Zuckerberg, fondateur mythique de Facebook. Un pari original et audacieux pour l’auteur qui puise son inspiration dans l’ascension dantesque d’un des milliardaires les plus riches et les plus influents de la planète.

“Ian Ginsberg s’était évertué à tenir la mort à distance de sa vie mais, faute d’être parvenu à la briser, il l’avait refoulée et, en ce jour funeste, elle revenait en force. L’éternel optimiste était déjà mort, en même temps que son sentiment d’éternité.”

Le roman commence par suivre le fil de l’adolescence de notre héros, faisant écho en certains points au film The Social Network (2010) de David Fincher. Ce qui étonne, c’est cette entrée en douceur dans la vie du protagoniste. Erwan Barillot tient à mettre en lumière l’humanité de celui-ci afin de mieux souligner ses paradoxes par la suite. Sa vulnérabilité contraste avec sa soif de pouvoir non-maîtrisée, tout comme son rêve secret d’un amour absolu qui se heurte à ses désirs charnels et à ses premières désillusions. Moi, Omega, ce n’est donc pas seulement une dystopie mais également un roman sur l’adolescence et les obstacles qui s’y rattachent.

Le goût de la réflexion

Moi, Omega trouverait probablement une oreille attentive auprès d’un jeune public qui se reconnaîtrait dans cet imaginaire de campus universitaire. Quant aux adultes qui liraient cet ouvrage, c’est sans aucun doute la dimension philosophique de celui-ci qui retiendrait avant toute autre chose leur attention … Dans cette biofiction, Ian Ginsberg se découvre une obsession pour le théologien et philosophe Pierre Teilhard de Chardin.

“Son regard réfléchissait plus de clarté qu’il ne pouvait en porter. Tout chez lui exprimait un contrôle extrême de soi-même, une ascèse qui ne signifiait pas servitude, bien au contraire. On percevait une conquête plus lointaine, rendue possible par cette discipline morale de l’Esprit parvenu au-dessus de la matière dont il était fait.”

Erwan Barillot parsème des citations de ce maître de l’esprit tout au long de l’ouvrage comme l’annonce déjà le titre, le “point Omega” étant un concept créé par Teilhard de Chardin. L’approche de l’auteur est intéressante : faire converger l’inexorable montée en puissance du numérique avec le divin. Moi, Omega oscille donc entre le roman léger et l’essai sociologique ; fusion des genres de laquelle résulte un ouvrage grand public à l’écriture fluide qui ne manquera pas de plaire à un lectorat éclectique.


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