Recettes de femmes

Au Lavoir Moderne Parisien, Ana Maria Haddad Zavadinack s’inspire de l’essai Beauté fatale de Mona Chollet pour nous livrer une tragicomédie sur les injonctions à la beauté, avec cinq comédiennes très inspirées.

Dans la petite salle du Lavoir moderne parisien, nous faisons cercle autour de cinq jeunes femmes qui nous accueillent sans façons, en pyjama ou petite culotte, la brosse à dents à la bouche, assises derrière leur coiffeuse. C’est aux coulisses de leur transformation en beautés fatales pour le mariage de l’une d’elles que nous allons assister, une transformation qui tient autant de la mutilation que de la farce, comme les injonctions énoncées dans le poème « Recette de femme » de Vinicius de Moraes récité au début de la pièce.

Recettes infâmes

Pour correspondre aux canons de beauté, nos cinq jeunes héroïnes sont prêtes à tout, surtout Tamara (Tamara Lipszyc, hilarante et sans filtre). Afin de redresser ses seins « qui ressemblent à des gants de toilettes déprimés » sous lesquels elle peut caser non pas un crayon mais « une trousse entière » (démonstration à l’appui), nettoyer sa zone T « comme Tamara, vous remarquerez » et enlever sa peau d’orange « oui les cratères sur les fesses là ! », elle se livre à une véritable performance théâtrale : badigeonnant et empaquetant (« j’ai l’impression d’être un gigot ») les chairs coupables dans l’espoir d’avoir enfin des seins et une peau parfaite, non sans autodérision…  Cela donne de véritables moments de bravoure devant un public secoué par un fou rire collectif où dominent des rires féminins à la fois honteux et soulagés. Une véritable catharsis qui fait du bien.

Miroir, dis-moi pourquoi je dois être belle

Entre les sketches s’immiscent des confidences plus poignantes sur la peur du rejet et le désir de plaire à tout prix

Car derrière ces saynètes dignes d’un woman show, est posée la question du pourquoi. Pourquoi tant de souffrance, pourquoi tant de temps perdu à regarder à des tutos beauté et à s’arracher les cheveux (littéralement) pour se coiffer ou rentrer dans une robe de mariée trop serrée ? Entre les sketches s’immiscent des confidences plus poignantes et que l’on devine personnelles sur la peur du rejet et le désir de plaire à tout prix (aux mères, aux copines, aux copains…), les milles et unes astuces pour rester dans la lumière grâce à une doudoune hors de prix ou au contraire pour faire disparaître ce corps encombrant qui, au petit matin dans une rue déserte, nous met en danger sur le chemin de l’école…

Une beauté à réinventer

@Montes Zaluaga

Malgré quelques longueurs, cette réflexion joyeuse et protéiforme (sketch, chansons, récitations…) sur les contradictions dans lesquelles se débattent ces jeunes femmes, emporte l’adhésion. Elle ne se contente pas d’être une adaptation mais est une véritable réinterprétation et réappropriation d’un essai marquant pour notre génération, grâce à une belle écriture collective et sororale qui pose la création artistique comme le meilleur outil d’émancipation féminine.

  • Beauté fatale, adapté de l’essai homonyme de Mona Chollet, mise en scène d’Ana Maria Haddad Zavadinack, au Lavoir Moderne Parisien jusqu’au 16 octobre, du mercredi au samedi à 21h et le dimanche à 17h

Crédit photo : @Montes Zaluaga


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