S’il existait et si on le pouvait, il faudrait remettre le Prix Nobel de la Joie à Sophie Fontanel. Elle a plus que l’encre sympathique, elle a l’encre rieuse, malicieuse, tendre. Son quinzième roman Nobelle, publié aux éditions Robert Laffont, est une envolée avec deux L. Il fait du bien son roman. Il réchauffe.
Quand j’eus fermé le livre après avoir terminé de lire les derniers mots de Nobelle, j’eus ce sentiment que tous les grands lecteurs ont lorsqu’ils terminent un ouvrage qui les a touchés. Touché au cœur j’entends. Ces livres qui vous remuent et qui vous rendent un je-ne-sais-comment mélancolique comme si l’on avait, à l’instar du personnage dans le roman, du mal à partir, à dire au revoir et à passer à autre chose comme on dit. Un de perdu dix de retrouvés ? Je ne suis pas sûr. Ce ne seront pas les mêmes. Les romans sont tous différents.
S’il existait et si je le pouvais, je donnerais volontiers le Prix Nobel de la Joie à Sophie Fontanel. Elle a plus que l’encre sympathique, elle a l’encre rieuse, malicieuse, tendre. Son quinzième roman Nobelle, publié aux éditions Robert Laffont, est une envolée avec deux L. Il fait du bien son roman. Il réchauffe.
« Comme vous êtes loin ! / Mais le vert paradis des amours enfantines, »
Annette fait face à l’Académie du Nobel à Stockholm, en Suède. Elle vient de recevoir la prestigieuse récompense : le Prix Nobel de Littérature. Alors, elle doit faire ce fameux discours que tout le monde attend, celui durant lequel on remercie untel et untel. Annette, elle, veut raconter son histoire, celle de sa vocation, celle de la naissance de son don, celui d’écrire.
Sophie Fontanel nous envoie donc des années en arrière. Nous sommes là, à Saint-Paul de Vence en été. Il fait chaud, le temps est ralenti, c’est le sud ! Annette a de la chance, elle a reçu pour ses dix ans un stylo-plume et un cahier après qu’elle a fait croire à tout le monde qu’un poème qu’elle lut lors des funérailles de son grand-père était d’Aragon. Elle a menti, le poème était d’elle. Un stylo-plume, un cahier et des vacances à Saint-Paul de Vence, tout le monde rêverait d’un cadeau pareil !
En somme, c’est l’histoire du devenir écrivain de la part d’une petite fille de dix ans qui découvre qu’elle a de l’or dans les mains, qui découvre le pouvoir des mots et leur puissance silencieuse, qui découvre que l’amour donne, non pas un Nobel, mais des histoires, des émotions et des souvenirs.
L’été est une saison à part. Ce qui se passe en été reste en été. L’été est comme une bulle, un arrière-monde dans lequel on évolue. L’été, c’est spécial. Pour Annette, cet été 1972, il est tout et il sera tout. L’été 1972, pour Annette, il est naissance. Là-bas, elle rencontre un ami de son père, Bernard, éditeur, dont le fils Magnus va devenir ce pour quoi les écrivains le plus souvent écrivent : l’Autre, l’Absolu. Elle y fait aussi la rencontre de Kléber, un grand écrivain qui laisse les enfants se baigner dans sa piscine. Kléber incarne la sagesse, il est aussi la mélancolie, la nostalgie. Entre Annette et lui, c’est une histoire de transmission, de maître et de disciple. Puis, il y a les rencontres avec le soleil, avec le hamac, avec les pilons de poulet, avec les pignons de pin, avec tout ce qui fait les vacances et qu’une enfant de dix ans apprécie.
En somme, c’est l’histoire du devenir écrivain de la part d’une petite fille de dix ans qui découvre qu’elle a de l’or dans les mains, qui découvre le pouvoir des mots et leur puissance silencieuse, qui découvre que l’amour donne, non pas un Nobel, mais des histoires, des émotions et des souvenirs.
Des « écrivastes » et un écri-vain
Dans le roman, la petite Annette invente un mot « écrivaste » car l’écrivain est celui qui explore le champ des possibles et qui tisse alors des histoires, des contes. Sophie Fontanel est une « écrivaste. » Elle a l’art de l’envol comme l’albatros de Baudelaire. Elle un souffle et une main qui saisit « l’impondérable qui vogue dans l’air » pour reprendre les mots de Jeanne Lanvin. La littérature est une plaine verdoyante parcourue par le vent qui emporte des mots que l’écrivain saisit et compose.
Face à l’« écrivaste », il y a Kléber, l’écrivain de renom qui dans sa maison de Saint-Paul de Vence a laissé sa machine à écrire prendre la poussière. Annette, elle, s’approprie cette machine. Là est la transmission. Kléber est finalement un écri-vain, celui qui a renoncé, qui ne peut plus et qui ne veut plus. « Trop de passé » dit-il. Annette se met donc dans les pas de Kléber, elle, la petite Minou Drouet, et part jusqu’au Nobel. On dit des artistes qu’ils sont les personnes les plus endettées. Annette s’endette auprès de Kléber qui lui donne la passion et la confiance, s’endette auprès, aussi, de Magnus, son premier amour qui lui donne l’énergie.
Sophie Fontanel donne du courage, de la passion à ceux qui ont entre les mains une encre mais peu de confiance en eux. Sophie Fontanel, à l’instar de son héroïne, est donc une « écrivaste » qui fait de la « littorature » car elle nous fait voyager, elle explore les choses simples qui sont finalement grandeur et grâce. Il faut lire Sophie Fontanel tout simplement. Nobelle est un coup de cœur.
- Sophie Fontanel, Nobelle, Robert Laffont.