Jeune femme : chronique d’une parisienne en errance

Les comédies sur les trentenaires paumées sont souvent l’apanage de fictions miroir de la génération Y. Derrière ce terme galvaudé se cachent des personnages délicieusement marginaux dont les tracas de la vie quotidienne prêtent à rire autant qu’ils émeuvent. Ce cinéma indé authentique s’écrit au féminin et, après Frances Ha ou Victoria, c’est à Paula de rejoindre le clan des amazones du septième art. Campée par Laetitia Dosch, elle est la jeune femme du film de Léonor Serraille, pépite auréolée de la Caméra d’or.

jeunne-femme-affichePrésenté en section Un Certain Regard au Festival de Cannes, Jeune femme possède la fraîcheur et l’audace des premiers films. Il a su toucher au cœur le jury de Sandrine Kiberlain, au même titre qu’une presse enthousiaste. Paula a 31 ans et n’a plus de compagnon, comme on le comprend grâce à une scène d’ouverture qui vaut son pesant de popcorns. Privée de ce mentor à l’influence certaine, il ne lui reste que son irrésistible maladresse et sa spontanéité pour nous entraîner dans ses péripéties pas si ordinaires.

Des planches aux plateaux de tournage

Le choix de Laetitia Dosch pour camper cette irrésistible galérienne est une évidence quand on connaît le court métrage Vilaine fille, mauvais garçon de Justine Triet (réalisatrice de Victoria) et Thibault Lacroix. Avec ce rôle de « vilaine fille » cousin de celui qu’elle tient ici, la comédienne avait décroché le Prix d’interprétation du Festival Silhouette. Il faut saluer la justesse avec laquelle Laetitia Dosch, essentiellement connue pour ses prestations théâtrales, se glisse dans l’imper couleur brique de Paula ; un jeu sensible et nuancé qui sublime la fragilité du personnage, sans pathos ni exagération.

Filmé à hauteur de femme

Le public se laisse guider dans un Paris doux-amer. Le sous-titre « Montparnasse Bienvenüe » possède l’ironie dont la trame narrative se nourrit. À jouer avec les mots, on peut se dire que le Paris de Paula est surtout un pari : celui de se réaliser par elle-même, en restant intègre à sa personnalité bancale, pour s’épanouir de sa vie de trentenaire repartie de zéro. Entre deux stations de métro, son destin se tend, porté par des rencontres fortuites plus ou moins heureuses. Elle trébuche, se relève et chaque saynète de sa vie de femme indépendante est pleine d’humanité.

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Comédie française pétillante

La force de Jeune femme tient sur les épaules de sa protagoniste, rendue ô combien attachante par un arc narratif judicieusement étoffé. Hazanavicius a montré qu’on pouvait faire rire avec un héros qui multiplie les faux pas dans Le Redoutable (en Compétition), sa consœur fait de même en signant un pied-de-nez aux détracteurs de l’humour hexagonal. Débordant de sincérité, l’itinéraire que Léonor Serraille nous propose prend la forme d’un instantané dédié à une ville qui isole parfois, mais qui a aussi beaucoup à offrir. Mention spéciale au chat Muchacha (crédité au générique) dont les quelques apparitions mériteraient d’envisager une Palme Cat sur le modèle de la Palme Dog !

Jeune femme, de Léonor Serraille, avec Laetitia Dosch et Grégoire Monsaingeon et Souleymane Seye Ndiaye.

Un Certain Regard – Caméra d’or. Sortie à la rentrée de septembre.


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